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FRANÇOUNETTO.

été fort à la mode dans les campagnes de Gascogne au temps de Montluc ; peu importe. Elle y est très en usage de nos jours, de même que ces espèces de gâteaux qu’on appelle tortillon et curbelet ; cela suffit. Ce qui est plus sûr, c’est l’entrain merveilleux de toute cette description dont je n’ai cité qu’un court extrait ; ce sont ces expressions locales si bien choisies : saquela, tout de même ; piffrayres, joueurs de musette, les piferari d’Italie ; estifla, souffler ; biroula, pirouetter ; la desco, corbeille ronde, dont le nom est emprunté du disque antique, etc. Mais voici une jeune fille qui se mêle à la danse ; c’est l’héroïne du poème, c’est Françounette ; deux mots sur elle, s’il vous plaît, dit gaiement le poète.

Françounetto, diminutif de Françoun, Françoise (on sait quelle grace ont les diminutifs dans les langues méridionales, et le patois en a autant que toute autre), a été surnommée dans son canton la belle des belles, la poulido de las poulidos. N’allez pas cependant vous figurer que ce soit une de ces beautés à la mode dans les salons, qu’elle soit pâle comme un lys, maigre, courbée et languissante

Commo l’aouba que plouro al bord d’uno aygo fino.

Comme l’aubier qui pleure au bord d’une eau limpide.

Non, non ; Françounette est une belle fille, une vraie paysanne, bien portante, bien vigoureuse ; ses yeux brillent comme deux étoiles.

Semblo que l’on prendro las rozos à manâdos
Sur sas gaoutos rapoutinâdos
.

Il semble qu’on prendrait les roses à poignées
Sur ses joues rebondies.

Aussi tous les jeunes gens du pays l’aiment-ils à en perdre les ongles, expression proverbiale qui en vaut bien d’autres pour peindre la violence de la passion. La jeune coquette jouit de son triomphe, et son front s’illumine, se dore de plaisir : e soun froun n’en daourejo ; mais elle n’a voulu encore donner son cœur à personne. Les pauvres amoureux ne vont pas graver leurs peines sur l’écorce des arbres, car ils ne savent pas écrire ;

Mès que d’utis près al rebès,
Mès que de bignos mal poudâdos,
Que de brencos mal rebugâdos,
E que de regos de trabès !

Mais que d’outils pris à l’envers,