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riser ; il ne daigne pas consacrer quelques lignes au code des lois barbares. Évidemment, lorsque M. Michelet écrivait ce chapitre, il était sous l’influence de ses théories absolues. Ce qu’il cherchait dans le passé, c’était, non l’accident, mais l’idée, la synthèse des évènemens. Souvent, il est juste de le dire, cette intuition a été heureuse. Par exemple, relativement au problème de la prise de possession du sol français par les Franks, tous les systèmes produits jusqu’ici sont faux, si on les soutient d’une manière absolue, et tous renferment quelques portions de vérité, parce qu’il s’agit d’un phénomène des plus compliqués, et dont les effets ont été variée à l’infini ; mais un fait qui explique tous les autres, c’est que les Franks, les moins nombreux des barbares, n’ont réussi que parce qu’ils ont été les hommes d’armes, les instrumens des chefs de la population catholique. M. Michelet entrevoit et signale ce résultat décisif : « L’église, dit-il, fit la fortune des Franks. Jamais leurs faibles bandes n’auraient détruit les Goths, humilié les Bourguignons, repoussé les Allemands, si partout ils n’eussent trouvé dans le clergé un ardent auxiliaire qui les guida, éclaira leur marche, leur gagna d’avance les populations. »

Qu’après l’époque où il aurait fallu discuter vienne celle où il convient de peindre, il y aura, dans l’agitation de la barbarie, des peuples à faire mouvoir, d’imposantes figures, des Frédégonde, des Brunehaut, des Gondowald, des Ébroïm à mettre en relief. Alors l’auteur retrouvera un coloris souvent vrai, toujours saisissant ; son récit offrira des oppositions heureuses, de l’éclat, de l’intérêt. Ne lui demandez pas des détails précis et instructifs sur le caractère de la royauté chez les Franks, sur les conséquences des lois barbares appliquées aux campagnes, sur le sort des diverses classes de la population urbaine, sur le rôle des maires du palais et les ressorts grossiers du gouvernement. Malgré tant de lacunes, il vous laissera une impression assez juste des résultats de l’époque mérovingienne : vous entreverrez l’antagonisme de l’Aquitaine et de la Neustrie, du midi et du nord. Le clergé fait des efforts méritoires pour s’emparer des rois neustriens, et pour faire prévaloir dans les affaires publiques le sentiment de la bienveillance chrétienne, disposition nécessairement favorable aux classes inférieures. Déjà la voix populaire, qui n’est encore qu’un faible vagissement, semble être cette voix de Dieu à laquelle le roi doit se soumettre. Blessée dans son orgueil et dans son droit, l’aristocratie germanique murmure, proteste, et finit par se soulever. Deux intérêts, deux partis en opposition, divisent l’empire des Franks : d’un côté, la Neustrie romaine, ecclésiastique et popu-