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groupées. Il avait donc un beau texte en abordant la période qui ouvre notre histoire, l’époque gauloise, sur laquelle nous n’avons pas de traditions directes, et où l’historien ne peut voir qu’un conflit de races cherchant à s’établir sur le sol où fleurit aujourd’hui notre nation. M. Michelet a profité ingénieusement, mais sans servilité, des études de M. Amédée Thierry ; il lui a emprunté la lumineuse démonstration qui divise la population de la Gaule en Gaëls et en Kymris ; les premiers, venus dès les temps les plus obscurs ; les seconds, arrivés postérieurement sous la conduite des druides. Cette solution importante tranche d’un seul coup plusieurs problèmes, par exemple la différence inexplicable jusqu’alors entre les doctrines épurées du druidisme et l’idolâtrie grossière des tribus gaéliques, la guerre des petites royautés barbares contre les villes déjà préparées à la civilisation. Il n’eût pas été impossible de découvrir quelques traces de l’organisation politique des cités, et du mouvement commercial qui anima la Gaule pendant le dernier siècle de l’ère ancienne ; des aperçus de cette nature eussent mieux fait comprendre le succès de l’invasion romaine. Quant à l’expédition de César, sujet déjà traité par l’auteur dans son Histoire romaine, c’est un de ces morceaux en relief qui rehaussent très heureusement le fond du récit.

En somme, l’époque gauloise nous paraît traitée d’une manière satisfaisante. On n’en pourrait pas dire autant du second âge, de l’époque gallo-romaine. Le premier étonnement de la Gaule conquise, la fusion de la vieille idolâtrie gaélique avec le paganisme romain, la résistance du druidisme qui représentait la nationalité gauloise, ont sans doute donné matière à de belles pages ; mais que de faits inaperçus ou négligés, et des plus importans ! Aucune recherche topographique relativement aux cités libres, aux principautés indépendantes, aux colonies romaines ; rien sur un miracle de politique, sur la métamorphose des Gaulois en Romains, sur l’effet de ce régime municipal imposé aux villes, sur le sort des campagnes si différent de celui des villes, que plus tard on doit voir les hommes des cantons, à proprement parler les païens, donner leur nom à l’idolâtrie, tandis que les citadins, beaucoup plus à plaindre, adoptent le christianisme, la religion des affligés. Le contraste de la prospérité des premiers siècles et de la détresse des derniers n’est pas expliqué ; on n’a pas même mentionné la grande réforme administrative opérée par Dioclétien et Constantin, qui substituèrent un gouvernement monarchique au despotisme militaire, révolution qui eut ses principaux effets dans la Gaule. Il ne suffisait pas de flétrir les abus de la fiscalité et de signaler la