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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

France confirme nos doutes. Étonné de trouver peu de formules poétiques dans notre antiquité, il se demande tristement si la France aurait eu à son origine indigence de poésie, si elle aurait commencé son droit par la prose. Sa conclusion, fort juste, mais en opposition avec les principes de Vico, est que la France, étant un mélange de peuples, n’a pu conserver ses formules juridiques aussi fidèlement que les races primitives : il ajoute que, la fusion des peuples qui ont constitué la nation française ayant été opérée sous l’influence du spiritualisme chrétien, le génie populaire s’est réfugié dans la religion et a donné aux rituels de l’église française des formules de la plus haute poésie. Quant au droit français proprement dit, il est devenu anti-symbolique parce que la justice, ayant cessé de s’adresser à l’imagination des peuples pour parler à leur intelligence, a remplacé le langage matériel des symboles par des principes abstraits puisés dans les lois divines et naturelles.

Ces considérations, parfois ingénieuses, ont le tort de ne pas tenir ce qu’elles promettent : elles éclairent à peine les origines du droit français. D’ailleurs, le préambule, qui résume la pensée scientifique de l’ouvrage, est d’une lecture fatigante. Il eût été habile de corriger la subtilité de la matière par la gravité du langage. L’auteur au contraire, dans l’espoir de caractériser le génie poétique des nations, s’est mis en grands frais de poésie ; perdue dans une ébullition de mots, son idée semble se vaporiser et devenir insaisissable. Nous serions étonné que les Origines du droit français eussent ajouté à la réputation de M. Michelet. Cependant, à ne considérer son livre que comme une œuvre d’érudition, un recueil de singularités curieuses, il acquiert une certaine importance. Malgré les emprunts faits au Traité des formules romaines du savant Brisson, et aux Antiquités du droit allemand de Grimm, ce qui appartient en propre à M. Michelet est le résultat d’une immense lecture et l’indice de cette curiosité passionnée qui caractérise l’historien. Cette série de petits drames rapportés à toutes les circonstances de la vie humaine, et dont les élémens sont pris dans les chroniques, les lois et coutumes, les liturgies, le blason, le cérémonial civil, guerrier ou judiciaire, constitue une biographie piquante de l’homme social. Nous ajouterons que la fortune du livre n’eût pas été douteuse, s’il eût été connu des peintres ou des romanciers qui exploitent les effets pittoresques : ils y eussent trouvé de la couleur locale broyée très finement, et applicable à toutes les situations dramatiques.

Un caractère très remarquable dans les écrits de M. Michelet, c’est