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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

même que fini. » C’est-à-dire qu’à la république succède le gouvernement impérial, qui abolit les priviléges et fait prévaloir le principe de la liberté individuelle. Alors enfin « tous les finis reposent à côté l’un de l’autre ; privés d’importance et d’objet en cessant de se combattre, ils retombent dans l’égalité. »

Loin de nous la prétention d’avoir sondé les profondeurs où les hegéliens se sont placés ; nous avons voulu seulement indiquer la parenté du système allemand avec celui de M. Michelet. Or, au premier aperçu, la conception de M. Michelet est plus sympathique. On sent qu’il a eu à cœur d’atténuer le fatalisme panthéistique de Hegel, et ce travail d’épuration est méritoire. A-t-il réussi ? Nous ne le croyons pas. Cette lutte héroïque de la liberté contre la fatalité est, suivant M. Michelet, le triomphe progressif du moi, l’affranchissement des obstacles que le climat, les races et toutes les fatalités naturelles opposent à la liberté politique et morale des individus. « Au point de départ, dans l’Inde, au berceau des races et des religions, l’homme est courbé sous la toute-puissance de la nature. » Accablé par ces influences extérieures, l’homme n’essaie pas même de lutter, il se repose dans une patiente et fière immobilité ; « ou bien encore il fuit dans l’Occident, et commence le long voyage de l’affranchissement progressif de la liberté humaine. » — « La Perse est le commencement de la liberté dans la fatalité, » ajoute l’auteur, qui a cru devoir souligner cet axiome, c’est-à-dire probablement que l’individu, en Perse, cherche à prendre possession de lui-même. Après quelques pérégrinations en Égypte et en Judée, le dogme immortel de la liberté pénètre en Europe, contrée naturellement favorable à l’émancipation du moi ; et pour le prouver, M. Michelet montre sur la carte le squelette de l’Europe qui se présente avec les proportions du corps humain : « Les péninsules que l’Europe projette au midi sont des bras tendus vers l’Afrique, tandis qu’au nord elle ceint ses reins, comme un athlète vigoureux, de la Scandinavie et de l’Angleterre. Sa tête est à la France ; ses pieds plongent dans la féconde barbarie de l’Asie. » L’Europe étant donc une terre libre, l’humanité, fugitive de l’Asie, y combat pour sa liberté avec des chances de succès. « Le monde de la Grèce était un pur combat : combat contre l’Asie, combat dans la Grèce elle-même ; lutte des Ioniens et des Doriens, de Sparte et d’Athènes. La Grèce a deux cités, c’est-à-dire que la cité y est incomplète. La grande Rome enferme dans ses murs les deux cités, les deux races étrusque et latine, sacerdotale et héroïque, orientale et occidentale, patricienne et plébéienne, la propriété foncière et la pro-