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REVUE. — CHRONIQUE.

cette croyance que la terre que nous occupons en Afrique est à jamais française. C’est sous ce point de vue, plus encore que sous le point de vue industriel, que nous insistons sur la nécessité d’une colonisation prochaine. Quant à nos relations commerciales, elles s’établiront d’elles-mêmes dès que notre conquête sera fortement assise. La caravane qui vient d’arriver de Tunis nous est un indice du brillant essor que peut un jour prendre dans ces parages notre commerce national. L’obstacle continu s’élève rapidement, et les colons y trouveront un abri tutélaire et un gage de prospérité.

Notre gouvernement vient de signer avec les quatre grandes puissances une convention pour régler de nouveau le droit de visite qu’elles se sont mutuellement attribué, dans le but de réprimer le trafic des noirs. Nous savons que les conventions préexistantes, que les engagemens déjà pris ne permettaient guère de refuser la nouvelle convention. Toujours est-il qu’il y a quelque chose qui froisse le sentiment national dans une mesure qui, vu la diversité des situations et l’inégalité des forces maritimes, n’est guère pratiquée que par des navires anglais, et semble octroyer au pavillon anglais une sorte de suprématie. Je ne sais, mais, puisque la convention était inévitable, je voudrais du moins, dût-il en coûter quelque chose au trésor, augmenter le nombre des navires français dans ces parages, et prendre à ces croisières de surveillance, à cette police de l’Océan, une part plus directe et plus active.

Il s’est élevé dans la presse anglaise la question de savoir si le mérite de cette nouvelle convention appartenait à lord Palmerston ou à lord Aberdeen. Justice est due même à ceux dont on a avec le plus de raison et le plus sévèrement blâmé la conduite. La convention appartient à lord Palmerston. La France aurait pu la signer avant la chute du ministère Melbourne : elle l’aurait, nous le croyons, signée dès cette époque, si nous avions eu quelque raison d’être agréables à l’ancien ministre des affaires étrangères ; tout nous commandait au contraire d’être froids et réservés à son égard, et de nous borner aux actes strictement nécessaires, aux rapports inévitables.

Quoi qu’il en soit, le message du président des États-Unis nous apprend que des démarches ont été faites pour obtenir l’adhésion des Américains à la convention relative au droit de visite. Le cabinet de Washington résiste aux sollicitations comme aux prétentions de l’Angleterre, et nous n’en sommes pas étonnés.

D’un côté, les Américains sont loin de partager nos idées et nos principes relativement à l’esclavage. Nous ne voulons pas dire qu’ils favorisent la traite des noirs ; mais il est fort naturel que dans un pays où l’abolition de l’esclavage est regardée par la majorité, non-seulement comme un rêve, mais comme un projet criminel, on n’ait pas pour le trafic des noirs cette répugnance, cette horreur qui rend moins difficile sur le choix des mesures propres à le réprimer. Les cabinets européens n’ignorent pas ce qu’il y a d’exorbitant, de peu conforme aux principes rigoureux du droit des gens dans le droit de visite. C’est l’importance, c’est la sainteté du but qu’on se propose qui a fait surmonter toutes les objections. Mais par cela même on comprend que les