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Il eût trouvé ce siècle indigne de satire,
Trop vain pour en pleurer, trop triste pour en rire ;
Et, quel qu’en fût son rêve, il l’eût voulu garder.
Certe, il n’est que trop simple, à qui sait regarder,
De comprendre pourquoi tout est malade en France ;
Le mal des gens d’esprit, c’est leur indifférence,
Celui des gens de cœur, leur inutilité.
Mais à quoi bon venir prêcher la vérité
Et devant les badauds étaler sa faconde,
Pour répéter en vers ce que dit tout le monde ?
Sur notre état présent qui s’abuse aujourd’hui ?
Comme dit Figaro ; qui trompe-t-on ici ?
D’ailleurs, est-ce un plaisir d’exprimer sa pensée ?
L’hirondelle s’envole, un goujat l’a blessée ;
Elle tombe, palpite et meurt, et le passant
Aperçoit par hasard son pied taché de sang.
Hélas ! pensée écrite, hirondelle envolée !
Dieu sait par quel chemin elle s’en est allée,
Et quelle main la tue au sortir de son nid !
Non, j’en suis convaincu, Mathurin n’eût rien dit.


Ce n’est pas, en parlant, qu’il en eût craint la suite ;
Sa tête allait bon train, son cœur encor plus vite,
Et de lui dire non à ce qu’il avait vu,
Un journaliste même eût été mal venu.
Il n’eût pas craint non plus que sa faveur trahie
N’eût fait au cardinal rayer son abbaye.
Des complimens de cour et des canonicats,
Si ce n’est pour l’argent, il n’en fit pas grand cas.
Encor moins eût-il craint qu’on fût venu lui dire :
Et vous, d’où venez-vous pour faire une satire ?
De quel droit parlez-vous ; n’ayant jamais rien fait
Que d’aller chez Margot, sortant du cabaret ?
Car il eût répondu : N’en soyez point en peine ;