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SUR LA PARESSE.

Et qui, ne craignant rien, ne sais rien marchander !
Quel régiment de fous, que de marionnettes,
Quel troupeau de mulets dandinant leurs sonnettes,
Quelle procession de pantins désolés,
Passeraient devant nous, par ta voix appelés !
Et quel plaisir de voir, sans masque ni lisières,
À travers le chaos de nos folles misères,
Courir en souriant tes beaux vers ingénus,
Tantôt légers, tantôt boiteux, toujours pieds nus !
Gaieté, génie heureux, qui fus jadis le nôtre,
Rire dont on riait d’un bout du monde à l’autre,
Esprit de nos aïeux, qui te réjouissais
Dans l’éternel bon sens, lequel est né français,
Fleurs de notre pays, qu’êtes-vous devenues ?
L’aigle s’est-il lassé de planer dans les nues,
Et de tenir toujours son regard arrêté
Sur l’astre tout-puissant d’où jaillit la clarté ?


Voilà donc, l’autre soir, quelle était ma pensée,
Et plus je m’y tenais la cervelle enfoncée,
Moins je m’imaginais que le vieux Mathurin
Eût montré, de ce temps, ni gaieté ni chagrin.
Hé quoi ! me direz-vous, il nous eût laissé faire,
Lui qu’un mauvais dîner pouvait mettre en colère !
Lui qui s’effarouchait, grand enfant sans raison,
D’une femme infidèle, et d’une trahison !
Lui qui se redressait comme un serpent dans l’herbe,
Pour une balourdise échappée à Malherbe,
Et qui poussa l’oubli de tout respect humain
Jusqu’à daigner rosser Berthelot de sa main !
Oui, mon cher, ce même homme, et par la raison même
Que son cœur débordant poussait tout à l’extrême,
Et qu’au moindre sujet qui venait l’animer,
Sachant si bien haïr, il savait tant aimer,