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REVUE. — CHRONIQUE.

pagnie des Indes avait encore un autre but en faisant une campagne pour rétablir schah Soudja sur son trône, c’était de s’assurer la possession du cours de l’Indus. L’infatigable Burnes, le premier Européen qui, au milieu de fatigues fabuleuses, avait pu remonter le cours de ce fleuve célèbre, Burnes avait fourni tous les plans nécessaires à l’expédition. Une division partie de Bombay alla prendre l’Indus à son embouchure. Il y eut là une première conquête à faire, celle du Sindy. Les Anglais prirent la capitale, Hyderabad, occupèrent Kouratchi, l’entrepôt du commerce avec l’intérieur de l’Asie, et conclurent avec les émirs du Sindy un traité qui abolissait les douanes sur l’Indus et établissait le paiement d’un tribut. Pendant ce temps, l’autre division de l’armée, partie du Bengale, avait remonté jusqu’au Punjab, et de là redescendait le Sutledge, en recevant sur son passage la soumission de tous les princes du pays, pour aller joindre l’autre division à Schikarpour, sur la limite du Sindy et de l’Afghanistan. En arrivant sur les bords de l’Indus à Kairpour, elle y trouva Burnes, qui avait déjà conclu un traité avec l’émir, et le 14 février 1839, elle passa l’Indus sur un pont de bateaux, à Buckur. Toute l’armée anglaise se trouva réunie à Schikarpour dans les premiers jours du mois de mars, et elle était déjà réduite de cinquante mille hommes à trente mille.

Les Anglais n’avaient pourtant rencontré jusqu’alors que peu de résistance : la nature devait leur en offrir encore plus que les hommes. Quand ils s’engagèrent dans les montagnes et dans les gorges de Bolan, ils eurent à subir des fatigues inouies. Cinq cents hommes auraient pu les anéantir sans qu’ils pussent résister ; les Barukzis avaient fait un appel au fanatisme religieux, mais la désunion régnait parmi eux, et ce fut ce qui sauva l’expédition. À Dadur, en-deçà des montagnes, le thermomètre marquait 102 degrés Fahrenheit, tandis que des ouragans de neige passaient sur la tête des soldats engagés dans les défilés. Au milieu de toutes ces fatigues, l’armée anglaise arriva cependant le 24 avril à Candahar, et le 8 mai, le schah Soudja y fut solennellement couronné. On sait que Candahar était une des villes royales des Afghans. Le roi mannequin avait suivi toute la campagne avec son indifférence habituelle ; on l’avait confié comme un dépôt précieux au principal corps d’armée, protégé par l’avant et par l’arrière-garde, et il était sous la surveillance spéciale de Mac-Naghten, l’envoyé de la compagnie, et le même qui vient d’être assassiné à Caboul par le fils de Dost-Mohammed.

À Candahar, l’armée anglaise s’était comptée ; elle n’avait plus que onze mille Européens. Cependant elle continua sa marche, et elle arriva le 21 juillet devant une autre des villes royales, Ghizni. La ville était forte et défendue par un des fils de Dost-Mohammed. Les Anglais minèrent et firent sauter les portes, et après un terrible assaut au sabre, au poignard et au pistolet, ils enlevèrent la place. Ce fait d’armes produisit une grande impression chez les Afghans. Dost-Mohammed résolut d’attendre des jours meilleurs ; il abandonna sa capitale, et se sauva du côté de la Perse. Schah Soudja entra dans Caboul le 7 août.