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REVUE. — CHRONIQUE.

et qui établissait l’influence russe dans l’Afghanistan comme dans la Perse. Burnes ne se retira pas sans donner un dernier avertissement à son gouvernement, et il lui écrivit : « Quant à la Russie, ses manœuvres sont devenues si évidentes, que je présume qu’il faut qu’elle désavoue M. Vicowich et M. Goutte pour ses émissaires, ou qu’on la rende responsable de leurs démarches. Il ne me reste qu’à exprimer de nouveau ma conviction profonde, fondée sur une longue étude des évènemens de l’Asie centrale, que des conséquences de la nature la plus sérieuse sortiront inévitablement de ces démarches, si le gouvernement anglais n’y met pas l’opposition la plus prompte, la plus active et la plus décidée. »

Ces sollicitations pressantes ne furent pas négligées. Le gouvernement anglais adressa directement des plaintes au cabinet de Saint-Pétersbourg, et ce furent sans aucun doute les copies faites par Burnes et envoyées à lord Auckland à Simlah, qui servirent de texte à la dépêche que le marquis de Clanricarde remit au gouvernement russe, et dans laquelle l’ambassadeur anglais, ne gardant plus aucun ménagement, disait :

« Le soussigné est chargé de déclarer au cabinet de Saint-Pétersbourg que le gouvernement britannique a entre les mains une copie du traité conclu entre la Perse et le souverain de la principauté de Candahar, qui fait partie de l’Afghanistan, traité dont l’accomplissement est garanti par le comte Simonich, et dont les stipulations blessent les intérêts de l’Angleterre. Ce traité attribue à la Russie le droit d’obliger la Perse à s’emparer de Hérat, et à remettre cette ville au prince de Candahar. Ce dernier réunira la principauté de Hérat à ses autres possessions, mais sous la condition de payer tribut à la Perse. Ce traité stipule aussi le droit de la Russie d’obliger la Perse à protéger le souverain de Candahar contre toute attaque, de quelque côté qu’elle puisse venir. À la vérité, cette stipulation ne fait aucune allusion formelle à l’Angleterre ; mais l’intention des diverses parties, figurant au traité, est évidente dans le projet primitif du traité, dont le cabinet britannique possède une copie. Dans cet original, les expressions sont moins circonspectes, et il est fait mention expresse de l’Angleterre comme d’une des puissances contre lesquelles la Russie, concurremment avec la Perse, doit soutenir les princes du Candahar.

« Le soussigné est encore chargé de déclarer qu’un agent russe, nommé Vicowich, qui souvent se donne le nom d’Omar-Bey, et qui annonce qu’il est attaché à l’état-major du commandant-général d’Orembourg, a porté des lettres de l’empereur de Russie et du comte Simonich au prince de Caboul. Des copies de ces lettres sont entre les mains du gouvernement britannique. Le comte Simonich a toujours gardé le plus profond silence sur la mission de cet agent avec le ministre anglais à Téhéran. Cette réserve aurait sans doute semblé inutile, si cet agent n’avait été chargé que de porter les lettres qui lui avaient été confiées, et si sa mission n’avait rien eu qui pût blesser les intérêts de l’Angleterre. Mais le gouvernement britannique a la preuve que le comte Simonich a annoncé au shah de Perse que cet agent