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la propriété coloniale, et alors le crédit et les capitaux ne tarderont pas à ranimer ces importantes possessions.

Mais il est une autre loi que nos colonies attendent avec une juste impatience, c’est la loi sur les sucres. Nous ne voulons pas revenir ici sur un projet que nous avons déjà abordé plusieurs fois. Rappelons seulement qu’une loi favorable aux colonies ne sera qu’un acte de la plus stricte justice. Certes, nous ne sommes pas et nous ne serons jamais les défenseurs aveugles et passionnés de tous les intérêts particuliers des colons ; mais nous voulons la justice pour tous. Or, peut-on sérieusement dire à une classe de producteurs : Vous ne pourrez vous approvisionner que sur les marchés de la métropole ; vous ne pourrez vendre vos produits qu’à la métropole ; ces produits, la métropole les frappera d’un droit énorme, et en même temps elle laissera se développer chez elle une industrie qui vous enlèvera le privilége de ce marché forcé. Cela n’est ni juste ni sensé.

Et au profit de qui a-t-on ainsi altéré les rapports des colonies avec la mère-patrie ? Au profit d’une industrie tout artificielle, d’une industrie qui ne serait pas même née sans le droit qui pèse sur le sucre de cannes, d’une industrie dont tout le profit consiste à soustraire au trésor une partie du revenu que les lois de douane lui assuraient. Si on voulait décidément faire un présent à un certain nombre de propriétaires fonciers, car c’est à cela que se réduit en définitive la question, mieux valait le leur faire en les dispensant en même temps du soin de cultiver des betteraves pour en extraire du sucre. Le trésor aurait fait les mêmes pertes, mais les colons du moins n’auraient pas été victimes de cette étrange largesse. Appauvrir le trésor et ruiner en même temps les colons, c’est trop. Ici encore espérons que le gouvernement ne fléchira pas devant les clameurs de l’intérêt particulier, qu’il ne se laissera pas entraîner à des demi-mesures qui ne feraient que compliquer de plus en plus les difficultés de la situation. Qu’il ose demander aux chambres une solution définitive ; nous sommes convaincus qu’elle ne lui sera pas refusée. Le trésor a plus que jamais besoin de tous les revenus que le législateur lui a assignés. Il serait par trop singulier que les intérêts du trésor fussent oubliés dans un moment où nous paraissons décidés à ajouter à nos dépenses ordinaires une somme considérable de dépenses extraordinaires, lorsque nous espérons voir doter le pays des moyens puissans d’activité et de prospérité qu’il réclame. Il serait par trop singulier de consommer la ruine de nos colonies dans un temps où tous les hommes qui ont de l’avenir dans l’esprit reconnaissent que les colonies, que la navigation, que la marine militaire et marchande sont aujourd’hui plus que jamais un élément essentiel de la puissance et la prospérité d’une grande nation.