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REVUE. — CHRONIQUE.

devant elle que des populations asiatiques, si elle n’a jamais à lutter qu’avec les armes et la stratégie de leurs chefs, l’Angleterre ne peut pas douter du succès. Là est toute la question. Nous verrons si, la lutte se prolongeant, l’Angleterre trouvera, dans le traité du 15 juillet et dans les toasts d’un banquet récent, une garantie suffisante contre toute intervention étrangère dans ses démêlés avec les peuples de l’Asie.

En attendant, le gouvernement anglais fait face à la mauvaise fortune avec une vigueur qu’on ne saurait assez admirer. Sir Robert Peel n’a pas cherché à dissimuler ce que la position a de grave et d’impérieux ; il a en même temps demandé au parlement tous les sacrifices nécessaires à l’honneur du pays et à la défense des intérêts nationaux. Le discours du ministre a été accueilli par les applaudissemens unanimes de tous les partis. Évidemment on ne cherchera pas à rejeter sur un ministère ou sur un autre les évènemens de l’Inde. On n’emploiera pas des semaines entières en dissertations historiques ; on ne parlera pas pour parler, pour montrer qu’on ne parle pas trop mal, et qu’en effet on mérite d’être ou de devenir ministre. Le ministère obtiendra promptement, sans phrases, les ressources qu’il sollicite. C’est une sorte d’income-taxe que le cabinet propose. Il compte en retirer de 100 à 120 millions de francs. Par cette augmentation de revenu, il comble le déficit actuel et trouve en outre quarante et quelques millions, applicables aux dépenses nouvelles qu’exige la situation. Il se propose en même temps de modifier sur un grand nombre de points le tarif des douanes. Le droit sera diminué sur sept cent cinquante articles. C’est là en effet le meilleur moyen d’animer la production intérieure. Nous ne savons si l’Angleterre parviendra à conclure les traités de commerce qu’elle désire, en particulier le traité qui a été négocié entre elle et la France ; mais il est démontré pour nous qu’aucun pays n’aurait le pouvoir, ou, à mieux dire, ne pourrait faire la folie de résister à l’initiative de liberté commerciale que prendrait une des grandes nations industrielles. Le jour où nous serions libres de placer une grande quantité de vins, de soieries, d’articles de mode en Angleterre, croit-on sérieusement que nous pourrions empêcher, entraver ces échanges en prohibant chez nous l’importation des produits qui sont, on peut dire, naturels à l’Angleterre ?

Quoi qu’il en soit, il est un autre enseignement important dans le discours du ministre anglais. Au milieu de circonstances aussi difficiles, l’Angleterre se trouve avec un budget en déficit, et ce déficit provient, en grande partie, d’une taxe imprudemment, légèrement abolie. La poste aux lettres, sous le régime actuel, ne fournit pas le moindre revenu au trésor de l’Angleterre. C’est un service gratuit qu’on a imposé à l’état, et cependant quels sont ceux qui écrivent le plus de lettres ? Ce ne sont certes pas les pauvres. Il est facile de déclamer contre un impôt. Il n’y a pas d’impôt dont on ne puisse, par des raisons spécieuses, en le considérant en lui-même, isolément, demander la suppression. Cependant, s’il est facile de supprimer un impôt, il est encore plus difficile de combler la lacune qui en résulte. Quand le pays est accoutumé à un certain impôt, il faut, avant de le supprimer,