rapports étroits qui existaient entre les sociétés secrètes d’Espagne et celles de France ne sont ignorées de personne, et le fameux club des vengeurs d’Alibaud à Barcelone en dit plus par son titre seul que nous n’en pourrions dire. Le gouvernement français a-t-il jamais pu faire alliance en Espagne avec les complices de ceux qui travaillaient en France à le renverser ? C’est là une simple question de bon sens qui ne demande pas une minute de réflexion. La position incertaine des Anglais et la solidité de leur gouvernement les rend naturellement moins difficiles. D’ailleurs, avec le système de neutralité que nous avons adopté à l’égard de l’Espagne, le parti qui aurait compté sur nous aurait été battu, quel qu’il fût. Si nous avions fait alliance avec les exaltés, les Anglais se seraient mis du côté des modérés, comme ils ont failli un moment se mettre du côté de don Carlos. Avec le secours des menées et de l’argent anglais, les modérés auraient été les plus forts, comme les exaltés l’ont été par les mêmes moyens, et ce serait aujourd’hui la reine Christine qui remplirait sur le trône d’Espagne le rôle anti-français d’Espartero. Nous aimons mieux que les choses soient comme elles sont ; il y a plus de remède.
Il s’en faut bien, en effet, que tout soit perdu, comme on voudrait le faire croire. Sans doute il vaudrait mieux que les évènemens de septembre eussent eu une autre issue ; cependant, si compromise qu’elle soit, nous préférons encore la situation de la France en Espagne à celle de l’Angleterre. Si l’on nous poursuit avec tant d’acharnement, tout triomphant qu’on est et malgré notre inertie absolue, c’est qu’on a un profond sentiment de notre force, et qu’on craint de nous voir en user. Le parti modéré a fait de grandes fautes ; il a manqué de décision, d’ensemble et de vigueur ; il n’a su ni défendre la reine Christine quand elle était sur le trône, ni lui rendre sa couronne après qu’elle a été brisée. Il porte la peine de ses erreurs et de ses faiblesses ; il est dispersé, ses chefs sont proscrits, son nom même tend à disparaître. Tout cela est vrai, mais en résulte-t-il que les hommes dont se composait ce parti aient cessé d’exister ? Ces hommes ne sont-ils pas encore les plus éclairés et les plus nombreux de l’Espagne ? Leur concours n’est-il pas nécessaire, sous quelque forme qu’il soit donné, pour fonder quelque chose de stable et de définitif ? Ne faudra-t-il pas qu’on en revienne à eux tôt ou tard, et ceux-là même qui les poursuivent aujourd’hui ne seront-ils pas obligés de leur tendre la main, du jour où ils voudront sortir de la situation violente où ils sont ?
On dit, il est vrai, que toutes les prévisions sur la durée probable de l’établissement de septembre ont été démenties par l’évènement. Nous l’avouons, Espartero a du bonheur, et tout ce qui a été tenté contre lui n’a servi jusqu’ici qu’à le consolider. Est-ce une raison suffisante pour désespérer de l’avenir ? Le gouvernement du régent a duré dix-huit mois ; c’est beaucoup sans doute, beaucoup plus qu’on ne devait s’y attendre ; mais enfin, qu’est-ce que dix-huit mois ? Que sera-ce même que deux ans, trois ans encore, si l’on veut ? Les Anglais ont attendu leur moment plus long-temps ; voilà près de huit ans qu’ils conspiraient sans relâche pour en venir où ils en sont. Nous