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PROGRÈS DE LA RUSSIE DANS L’ASIE CENTRLE.

pu rencontrer l’ennemi. Cette expédition est restée entourée de mystère, les documens officiels n’ont pas été publiés. On avait entrepris la guerre sous le spécieux prétexte de rendre à la liberté les Russes qui, enlevés sur les lignes d’Orenbourg et d’Astrakhan, subissaient dans le khannat un long et cruel esclavage. Ce but une fois atteint, un oukase impérial, motivé, dit-on, par les représentations de l’Angleterre et sans doute aussi par la prévision des évènemens plus graves qui devaient bientôt éclater en Orient, annonça brusquement la fin des hostilités. En attendant l’occasion d’une nouvelle prise d’armes, la Russie, pour parvenir à ses fins, doit se contenter d’user des moyens pacifiques du commerce. Sous ce rapport, le pays de Khiva lui présente des ressources qu’il est bon de connaître, et que les années rendront encore plus importantes et plus fécondes. Entourée de tous côtés par des déserts arides et sablonneux, cette petite province, dont la population ne dépasse pas six cent mille ames et qui ne comprend pas plus de cent cinquante verstes dans toute sa longueur, doit au parcours du fleuve Amou-Daria, l’Oxus des anciens, un sol fertile où l’agriculture a enfanté des merveilles. Les traditions de l’Inde y sont encore assez vivaces, et les habitans peuvent y être classés en trois tribus bien distinctes : celle des guerriers, composée des derniers conquérans, celle des laboureurs, et enfin celle des négocians ou des sartys. La première de ces castes domine et rançonne les deux autres, qui, malgré les entraves de tout genre opposées au développement de leur activité, n’en ont pas moins donné par leurs efforts la mesure de ce qu’elles deviendraient sous la tutelle d’un pouvoir moins tyrannique et plus intelligent. Une grande quantité de canaux, qui s’abreuvent dans l’Oxus, divise la contrée en une foule de petites îles converties, les unes en gras pâturages où s’élèvent de belles races de moutons, de bœufs et de chevaux, les autres en champs de sarrazin et de froment. Les villages y sont populeux, mais le manque de débouchés et les excursions des gens de guerre ralentissent l’essor de leur prospérité. Toutefois, les laboureurs expédient leurs denrées à Khiva, où les Turkomans, trop occupés chez eux de pillage et de luttes intestines pour essayer de tirer parti de la terre qu’ils habitent, viennent acheter leurs provisions d’hiver.

Le commerce a pris plus d’extension, et la ville d’Ourghendj qu’il a choisie pour le centre de ses opérations est devenue un vaste bazar où l’on voit confondues les marchandises d’Europe et d’Asie. Et pourtant que d’obstacles n’ont pas à vaincre les sartys ! Un gouver-