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PROGRÈS DE LA RUSSIE DANS L’ASIE CENTRLE.

tagnes, enfouies sous les neiges durant quelques mois, versent sur les lieux moins élevés un grand nombre de cours d’eau, qui, dans les premiers jours du printemps, roulent avec impétuosité leurs vagues torrentueuses, mais qui se tarissent bientôt sous la double action d’un soleil brûlant et d’une terre friable et dévorante. Les trois principales rivières sont l’Oural et l’Emba, qui se jettent dans la mer Caspienne, et la Tobol, qui, après une course des plus irrégulières, va se perdre dans l’Irtych, à quelque distance de Tobolsk.

L’isthme qui sépare la mer Caspienne de la mer d’Aral doit être considéré comme un des plus remarquables objets d’étude que la steppe ait à offrir aux géologues. C’est un plateau assez vaste, appelé Oust-Ourt ou haute plaine par les Kirghiz-Kazaks, et élevé de six cents pieds environ au-dessus des deux mers voisines, qui a, suivant toutes les apparences, formé jadis une presqu’île. Une barrière impénétrable de rochers le termine au sud ; par ses anfractuosités et par ses découpures, elle présente l’aspect d’un rivage abandonné des flots, mais où l’œil reconnaît encore l’ancien emplacement des golfes et des caps. Au-delà de cette imposante ruine naturelle, la plaine s’abaisse, et, par sa composition géognostique, autorise à prendre les mers Caspienne et d’Aral pour les derniers réservoirs d’une eau diluvienne. L’Oust-Ourt est la rive la plus escarpée de la mer d’Aral, qui, à l’est et au sud, se trouve bornée par des plaines. Ce grand lac n’a pas encore été exploré avec soin dans toute son étendue ; vers sa partie méridionale, qui est la plus fréquentée, il est parsemé d’îles où habitent des tribus de pêcheurs. Ses eaux sont moins salées que celles des autres mers ; dans certains endroits, notamment aux embouchures des fleuves Amou et Syr-Daria, elles ont perdu toute leur âcreté. Elles gèlent pendant l’hiver, et leur surface polie procure alors une voie facile de communication aux hordes du voisinage. Les Kirghiz-Kazaks racontent qu’il se trouve, vers le centre de la mer d’Aral, un gouffre dont les tourbillons furieux engloutiraient les plus forts navires. Plusieurs savans regardent aussi comme très probable cette union souterraine et mystérieuse des deux mers de la steppe, et ils ont cherché à appuyer leur hypothèse sur le témoignage de cette tradition locale.

Du rivage de la mer d’Aral aux limites du Turkhestan, la steppe se montre dans toute sa nudité ; c’est le désert avec ses sables mouvans, ses tourbillons et ses insupportables chaleurs. Presque partout, cependant, la nature y manifeste sa vie languissante par la présence d’un herbage assez épais et de couleur foncée appelé bourane, qui jette