Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/968

Cette page a été validée par deux contributeurs.
964
REVUE DES DEUX MONDES.

charges des établissemens publics qui reçoivent les malades et les vieillards.

La sollicitude du pouvoir doit porter plus loin. La classe ouvrière se trouve, par la nature des choses, ouverte à toutes les suggestions, à toutes les erreurs, à toutes les passions. De tout temps, mais surtout aujourd’hui, les théoriciens chimériques et les ambitieux désappointés ont cherché dans le peuple un auditoire complaisant, un instrument docile. Plus que jamais les faux prophètes et les agitateurs exploitent la crédulité, l’ignorance, et aussi les sentimens mauvais que la pauvreté traîne parfois à sa suite. À les entendre, le peuple ne souffrirait plus si tel système triomphait, ou bien encore tous ses maux finiront le jour où l’ordre politique sera changé. Pour confondre ces sophismes, il n’y a pas de moyen plus sûr que d’aller droit aux questions même à l’aide desquelles on s’efforce de tromper les esprits. Le gouvernement ne doit céder à personne le soin d’étudier et de résoudre les problèmes d’économie sociale, tels que l’organisation du travail dans les professions industrielles, leur régime intérieur et l’accord de la liberté individuelle avec les droits de l’état, représenté par l’administration. Il dispose de moyens puissans pour remplir cette tâche : les deux chambres, la haute administration, le conseil d’état, les conseils supérieurs de l’agriculture, des manufactures et du commerce, forment une masse de lumières qu’il faut savoir faire rayonner sur les points encore obscurs de la science sociale.

Il importe de prouver au peuple qu’on songe à lui. Il importe de le convaincre que les maux et les abus dont il se plaint éveillent chez ceux qui le précèdent une sympathie active, et peuvent seulement trouver un remède efficace dans des connaissances supérieures à celles qu’il possède. Il importe de ne pas laisser s’accréditer dans les classes ouvrières cette opinion, qu’elles peuvent et doivent se réformer elles-mêmes en s’isolant de la bourgeoisie.

À ce propos, nous avons remarqué dans ceux des prolétaires qui s’essaient à manier une plume une singulière intolérance ; la moindre contradiction les irrite ; ces écrivains novices ne connaissent pas encore la liberté que comportent les débats de la presse. Voici un échantillon de la polémique d’Avignonais la Vertu. « Puissent les hommes de lettres qui ne veulent pas donner la main aux réformes ouvrières garder au moins le silence, et ne pas les entraver par des paroles peu réfléchies, que les ouvriers regardent comme des bravades indécentes ! » Ainsi la discussion n’est pas permise, et le silence devient une loi pour ceux qui ne souscriront pas à toutes les idées d’Avigno-