Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/952

Cette page a été validée par deux contributeurs.
948
REVUE DES DEUX MONDES.

et délicat qui ne devait régner pour ainsi dire qu’un jour, cet homme est Alberti. Et parmi nos artistes français comment expliquer l’absence de Jean Cousin ? Ne fut-ce qu’à titre de peintre verrier et pour rendre un digne hommage à un art tout national, ce grand artiste ne devait-il pas être admis ? Je vais plus loin ; je ne trouve pas que Robert de Luzarche et Erwin de Steinbach me représentent à eux seuls l’art chrétien, l’art du moyen-âge : c’est élaguer de cette grande époque deux ou trois siècles qui ne sont pas les moins glorieux ; j’aurais voulu, pour remplir cette lacune, un groupe d’abbés, de prieurs et d’évêques, groupe anonyme, indifférent à la renommée de ce monde, mais portant au front la flamme de l’inspiration religieuse. Enfin, qu’il me soit permis de signaler encore un dernier oubli, qui n’est pas le moins regrettable ; je veux parler de Philippe de Champagne. Cette sévère et noble figure n’était pas à dédaigner : ce n’est pas lui, dans sa pieuse modestie, qui se plaindrait d’être exclu, mais Lesueur et Poussin s’en étonnent assurément.

Après tout, dira-t-on, qu’importe qu’il manque quelques personnages ? Ceux que le peintre a représentés sont-ils vivans, sont-ils vrais, expriment-ils l’idée qui s’attache à leur souvenir ? Voilà les questions à résoudre. Nous en avons assez dit pour qu’elles soient presque résolues d’avance. Toutefois, nous soumettrons ici à M. Delaroche quelques observations, ou plutôt quelques doutes qui se présentent à notre esprit.

Pour obéir aux exigences de l’harmonie et pour éviter, dans quelques parties importantes de sa composition, la rencontre trop fréquente de certaines couleurs, il a cru devoir donner à quelques-uns de ses personnages des costumes qui ne sont pas ceux qu’on leur voit d’habitude, et qu’une tradition à peu près constante semble avoir consacrés. Ainsi Rubens, que tous ses portraits nous montrent vêtu de noir, selon la mode du temps et de son pays, Rubens dans ces habits de satin blanc, se fait à peine reconnaître ; sa physionomie si fine, si expressive, au lieu de ressortir avec son feu accoutumé, semble en partie éteinte par l’éclat insolite de ces vêtemens. Mais Rubens a été ambassadeur : je le sais, et je veux bien croire que dans les cours étrangères il portait du satin blanc, quoiqu’à mon avis le contraire soit plus probable ; mais ce n’est pas l’ambassadeur que je veux voir ici, c’est le grand peintre, c’est l’homme de génie. Ne cherchons pas à dire trop de choses, car nous ne les dirions qu’à moitié.

La même remarque ne s’applique-t-elle pas à Raphaël ? Ce riche