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LA SALLE DES PRIX À L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

dire ; je ne m’étonne donc pas de les voir causer là, sur ce banc, en tête-à-tête, et tellement appliqués à ce qu’ils disent, qu’ils n’aperçoivent rien de tout ce qu’on fait autour d’eux. Le maître allemand dit peut-être au Vénitien : Pourquoi avoir chassé nos ogives de vos lagunes ? elles y poussaient de si charmans rameaux, elles s’y mariaient si bien à la riche mollesse de l’Orient ? Et l’autre lui répond, avec une insouciante bonhomie et un laisser-aller de grand seigneur : Que voulez-vous ? Peut-on toujours faire et admirer la même chose ? Et connaissez-vous rien de plus gracieux que ma bibliothèque de la Piazzetta ? — À cet à parte entre Erwin et Sansovino, ajoutez la figure isolée de Philibert de Lorme, dont la pensée soucieuse semble poursuivre quelque problème de construction ; puis, à l’autre extrémité, Vignole convenant avec lui-même que, s’il revenait au monde, ce n’est pas seulement dans sa grammaire qu’il apprendrait à parler, et vous en aurez fini avec les architectes.

La scène principale, dans le groupe des sculpteurs, est une conversation entre le vieux André Pisano et Lucca della Robbia ; Donatello et Ghiberti se disposent à y prendre part, ils ont bien le droit de dire aussi leur mot. Derrière les deux interlocuteurs, on aperçoit ce présomptueux Bandinelli, qui, comme de coutume, laisse percer dans son sourire une envieuse malignité ; Jean Goujon, au contraire, et plus loin Germain Pilon, cherchent à écouter avec un empressement qui témoigne de leur déférence. Puget, assis au bout du banc, ne fait pas attention aux paroles des deux vieillards ; il est retenu par Jean Bologne, qui paraît un intrépide causeur. Derrière eux, Benvenuto Cellini, distrait et dédaigneux, s’éloigne en murmurant quelque sarcasme, pendant que Bernard Palissy rêve à ses expériences et regrette ses fourneaux. Enfin, le groupe est terminé par deux figures calmes et silencieuses, notre Pierre Bontemps, qui recueille précieusement les leçons de Della Robbia, et le rustique et naïf Peters Fischer, qui a l’air tout résolu à conserver ses idées aussi bien que son costume germaniques.

Parvenus à l’autre extrémité de l’hémicycle, nous voici de nouveau en présence des peintres ; mais ici c’est le rendez-vous de ces génies lumineux qui ont cherché la poésie de leur art moins dans la beauté des lignes et dans l’expression de la pensée que dans les mystérieuses harmonies de la couleur. Ce groupe renferme, comme les autres, plusieurs scènes distinctes. Et d’abord nous rencontrons les quatre plus grands artistes qui aient jamais exprimé les beautés du paysage, Claude le Lorrain, Guaspre Poussin, Ruysdaël et Paul Potter. Ils