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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

Le gouvernement français a signé la convention des détroits, qui n’est elle-même qu’un article du traité du 15 juillet 1840, dans l’espoir ou tout au moins avec la prétention de mettre fin à l’exécution toujours menaçante des mesures coercitives stipulées dans ce traité. Il n’avait pas besoin d’intervenir pour cela ; l’Autriche et la Prusse y auraient mis bon ordre, car elles étaient fatiguées de se voir traînées en laisse par l’Angleterre et par la Russie, et les difficultés se prolongeaient trop pour leur orgueil. Ajoutons que la facilité avec laquelle lord Palmerston et M. de Nesselrode avaient organisé la coalition des quatre cours prouvait suffisamment que l’on gagnerait peu à faire déclarer éteint un traité que les puissances pouvaient renouveler à volonté.

Mais, si l’avantage de cette réconciliation apparente est nul pour la France, les inconvéniens qui y sont attachés n’en auront que plus de force aux yeux d’un observateur attentif. Quelques précautions que l’on ait prises pour épargner notre amour-propre dans la forme, il n’en est pas moins vrai que la France, en signant la convention de juillet 1841, a ratifié le traité de juillet 1840, avec toutes les conséquences que les coalisés en avaient tirées. Dans l’ordre diplomatique, il n’y a pas de différence entre reconnaître les faits accomplis et les accepter positivement. Quand on veut se réserver le droit d’agir ultérieurement, comme si ces faits n’avaient pas existé, il faut se maintenir à l’état de protestation. La France devait faire, pour le traité de Londres, ce qu’elle a fait pour l’occupation de la Pologne et pour le traité d’Unkiar-Skelessi. En signant la convention de 1841, M. Guizot a détruit la protestation de 1840, il s’est humilié devant cette volonté impérieuse qui lui avait signifié que l’Angleterre réglerait l’Orient comme elle l’entendait.

Ainsi, le traité de Londres subsiste, aggravé pour nous par une adhésion qui nous abaisse dans l’opinion de l’Europe, fortifié pour les puissances signataires par la résistance inégale et inutile que nous y avons opposée. Je me suis efforcé d’en indiquer les causes et d’en mettre à nu les intentions ; je n’ai pas dissimulé, dans le cours de cet exposé, les fautes du gouvernement français, et je ne crois pas avoir exagéré les mauvais desseins de ses adversaires. J’ai cherché à me pénétrer de ce principe que l’histoire est un tribunal devant lequel tout le monde comparaît, mais qui doit une justice égale à tout le monde, qui n’éprouve ni affection ni haine, qui ne connaît ni amis ni ennemis, et que la vérité seule émeut. Une coalition s’était formée contre la France ; on la soupçonnait, on l’avait dénoncée, je crois