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de Londres rédigèrent, au Foreign Office, un protocole qui déclarait que, les difficultés qui avaient provoqué l’union des quatre cours étant aplanies, la France serait invitée à concourir à cette transaction. Le 13 juillet, M. de Bourqueney signait la convention au nom de la France.

M. Duvergier de Hauranne a pleinement fait ressortir les conséquences de cet acte diplomatique ; mais il est précieux de connaître le jugement que lord Palmerston lui-même en a porté : « Les Français, dit-il dans une dépêche à lord Beauvale (10 mai 1841), pensent que l’isolement de la France cessera par la signature de la convention qui a été proposée, et que cette convention fera rentrer la France dans le concert européen ; cependant le traité proposé ne contient aucune stipulation qui ait trait à une action commune, à un concert ; il ne fait que mentionner la détermination prise par les grandes puissances de respecter la décision et l’intention du sultan dans une matière sur laquelle il a le droit, comme souverain indépendant, de manifester sa volonté. »

Lord Palmerston réduisant par avance à sa juste valeur la convention du 13 juillet, et raillant le gouvernement français d’en avoir voulu étendre la portée, quelle leçon pour M. Guizot ! mais que cela est triste pour la France ! Au fond, le ministre anglais a raison. La convention du 13 juillet ne devait rien changer à la situation relative des puissances, et elle n’y a rien changé en effet. Ce traité ne fait cesser ni l’isolement de la France, ni la coalition des quatre cours contre la France. Il n’amène entre les puissances et nous ni un concert actif, ni même un concert passif. Après comme avant, nos intérêts ne sont ceux d’aucun autre état ; personne n’épouse notre cause, et n’admet la légitimité de nos prétentions. La barrière qui séparait la France révolutionnaire de l’Europe contre-révolutionnaire ne s’abaisse point, et l’alliance occidentale, l’union de la France avec l’Angleterre, demeure plus difficile que jamais.

Qu’est-ce donc que la convention du 13 juillet, et quelle a été son utilité ? Il faut considérer ce traité comme une forme, un moyen tel quel de faire cesser, non pas la situation d’antagonisme où s’étaient placées les puissances les unes à l’égard des autres, mais ce qu’il y avait de violent et d’immédiatement dangereux dans cette situation : c’est un prétexte que l’on donne à la France pour réduire ses forces militaires, un prétexte que se ménage l’Europe pour demander notre désarmement. Mais le jour où nous cesserons d’être redoutables, cesserons-nous d’être menacés ?