Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/929

Cette page a été validée par deux contributeurs.
925
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

Par le hatti-shériff du 13 février, la Porte éludait les obligations que lui avait imposées la soumission de Méhémet-Ali. L’hérédité que l’on accordait au vice-roi était dérisoire, car la Porte se réservait de choisir, parmi les enfans de Méhémet-Ali, celui qu’elle appellerait au gouvernement de l’Égypte, et l’héritier désigné devait se rendre à Constantinople pour y recevoir l’investiture des mains du sultan. On avait inventé en outre un moyen de ruiner l’Égypte, et de mettre celui qui la gouvernerait dans l’impuissance d’agir ; et, dans ce but, le hatti-shériff exigeait que le quart du revenu brut de l’Égypte fût versé dans le trésor impérial. Enfin, l’on ne se contentait pas de réduire l’armée égyptienne à dix-huit mille hommes, et d’interdire à Méhémet-Ali de construire des vaisseaux, mais on lui enlevait encore la nomination des officiers supérieurs de son armée, à partir du grade de kol-aghassi (major).

Ce firman avait été rédigé sur un projet fourni, après beaucoup d’hésitations[1], par lord Ponsonby, et il était conforme aux instructions de lord Palmerston. Le refus que fit Méhémet-Ali de s’y soumettre lui attira l’improbation de lord Palmerston. Lord Ponsonby conseilla au sultan d’en rester là, sous prétexte qu’en adressant une nouvelle communication à Méhémet-Ali, la Porte aurait l’air de négocier avec son sujet. Enfin, lord Palmerston, vers le milieu d’avril, tout en invitant la Porte à en finir promptement, se tenait dans des termes vagues, et semblait prendre plaisir à voir durer cette anarchie.

Les cabinets allemands, qui n’avaient pas les mêmes raisons que l’Angleterre d’achever la démolition de la puissance égyptienne, prirent ombrage de la conduite équivoque de lord Palmerston. Pendant que le gouvernement prussien faisait dire au ministère anglais qu’il considérait les conséquences du traité de juillet comme épui-

  1. Au mois de janvier, M. de Stürmer adressa, par l’ordre de M. de Metternich à la Porte, une note où il l’invitait à accorder l’hérédité de l’Égypte à Méhémet-Ali. Tous ses collègues s’associèrent à cette démarche, excepté lord Ponsonby, qui donna ses motifs dans la lettre suivante adressée à Reschid-Pacha, le 9 janvier 1841 ;

    « J’ai dit que j’avais reçu ordre de mon gouvernement de donner certains conseils à la Porte, au nom du gouvernement britannique, pourvu que la sublime Porte fût satisfaite de la soumission de Méhémet-Ali, et j’ajoutai que le conseil à donner à la Porte, dans le cas où elle serait satisfaite de la soumission de Méhémet-Ali, serait celui d’accorder à Méhémet-Ali le gouvernement héréditaire de l’Égypte, sous certaines conditions que je me réservais de détailler en temps opportun. Votre excellence a déclaré qu’elle n’était pas satisfaite de la soumission de Méhémet-Ali. »