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faut que l’état qui la réclame fasse un acte de soumission aux volontés de l’état qui aura la charge de la défendre. Le garant, pour être quelque chose, doit assumer la charge d’un protecteur, et, si un protecteur est pour le moins incommode, plusieurs protecteurs deviennent une charge insoutenable. Il n’y a qu’une forme connue pour atteindre le but de la garantie et cependant éviter les inconvéniens de la chose ; cette forme est celle de l’alliance défensive. Est-ce là ce que veut le divan ? Ce sera à lui à le proposer ; mais je ne crois pas qu’il trouve une issue à sa proposition. »

Lord Palmerston ne manquait pas, en toute occasion, de louer la sagesse, la sagacité, l’élévation et la profondeur des vues du prince Metternich. Toutefois les prétentions littéraires du ministre autrichien parlant de la fleur de l’indépendance et ses airs d’oracle importunaient quelquefois le ministre anglais, qui laissait paraître son humeur. Lord Palmerston céda sur la question de la garantie, mais il céda en grondant, et en rappelant à M. de Metternich qu’il n’avait pas toujours professé la même opinion sur ce point, notamment lorsque les puissances avaient garanti la neutralité de la Belgique. Mais laissons les querelles d’amour-propre et reprenons le récit des faits. La convention des détroits, substituée à la garantie, fut paraphée, le 15 mars 1841, par M. de Bourqueney. Voici les raisons qui déterminèrent M. Guizot à en différer la signature :

« Dans les circonstances actuelles, me dit M. Guizot, lorsque le sultan imposait à Méhémet-Ali des conditions que le pacha ne jugeait pas conformes aux espérances, sinon aux promesses que les alliés lui avaient données, et auxquelles il refusait par conséquent de se soumettre, lorsqu’on ignorait encore si les alliés aideraient le sultan à se faire obéir ou s’ils useraient de leur influence à Constantinople pour modifier les termes du hatti-shériff, ou même, en cas de non succès, s’ils laisseraient le sultan et son vassal arranger entre eux le différend comme ils pourraient ; dans cette situation, il était impossible au gouvernement français de faire plus qu’autoriser son représentant à Londres à parapher la convention.

« En donnant cette autorisation, je considère le gouvernement français comme prenant l’engagement positif de signer la convention, aussitôt que la question turco-égyptienne sera réellement terminée. » (Lord Granville à lord Palmerston, 15 mars 1841.)

M. Guizot eût montré plus de dignité en s’abstenant. La convention des détroits demeura dans cet état pendant quatre mois. L’énumération des intrigues et des incidens qui ont rempli l’intervalle est à peu près sans importance : on peut les caractériser en quelques mots.