Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/927

Cette page a été validée par deux contributeurs.
923
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

plus solennelle d’un traité, la déclaration contenue dans la dépêche circulaire du maréchal Soult. On serait revenu ainsi, après deux ans de controverse et après avoir bouleversé l’Orient, au point de départ de la politique du 12 mai. L’Angleterre y eût encore gagné de lier les mains à la Russie.

M. de Nesselrode fit bon visage à ce projet ; il l’accueillit comme il avait accueilli la dépêche du maréchal ; il déclara même « qu’il n’avait pas la plus petite objection à y faire, que la France devait la signer, puisqu’elle avait signé la note collective du 27 juillet 1839, et que sans doute M. Guizot ne demanderait rien de plus. » Mais il s’arrangea de façon à ce que l’opposition vînt d’ailleurs.

L’opposition ne vint pas de la France. Lord Granville écrivait, après une conversation avec M. Guizot, le 1er janvier 1841 :

« La question pendante entre le sultan et Méhémet-Ali, dit M. Guizot, a été conclue par les quatre cours sans l’intervention de la France, et, si quelques difficultés restent à régler touchant la condition future du pacha d’Égypte, le gouvernement français veut demeurer étranger à ce règlement. La situation de l’empire ottoman dans ses rapports avec les puissances européennes est une question toute différente ; et, quoique je ne sois pas préparé à faire une proposition, le gouvernement français est disposé à se concerter avec les autres puissances qui sont également intéressées à maintenir l’indépendance et la neutralité de la Turquie. »

La France était prête à tout, comme il est facile de le voir : prête en janvier à garantir l’indépendance, l’intégrité, la neutralité de l’empire ottoman, enfin tout ce qu’il plairait aux puissances ; prête en juillet à signer la convention des détroits. Mais l’Autriche, poussée apparemment par la Russie, trouva mauvais que cette idée d’une garantie générale à donner à la Turquie, émise d’abord par lord Palmerston en décembre 1840, eût fait l’objet d’une proposition formelle du divan. M. de Metternich écrivit donc ab irato à M. de Stürmer la dépêche qu’on va lire. (La date est du 20 avril 1841.)

« Le divan vient de concevoir une bien malheureuse idée en exprimant le vœu de placer l’empire ottoman sous la garantie des grandes puissances européennes. Cette idée, qui est fausse dans son point de départ, est à la fois moralement et matériellement inexécutable. L’idée est fausse, parce qu’un état ne doit pas accepter, et dès-lors bien moins encore demander à d’autres états un service pour lequel il ne saurait offrir en retour une stricte réciprocité. Dans les circonstances où il en est autrement, l’état qui accepte la faveur perd par le fait la fleur de son indépendance. Un état placé sous une garantie devient un état médiatisé ; car, pour qu’une garantie puisse être accordée, il