Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/926

Cette page a été validée par deux contributeurs.
922
REVUE DES DEUX MONDES.

que M. Guizot considérait ces conditions comme lui ayant été offertes à la considération de la France ; mais on n’oubliera pas que, loin de faire une faveur à M. Guizot, et à la France de M. Guizot, les puissances avaient diminué, le 14 novembre, les concessions spontanément déclarées le 15 octobre, sous le ministère de M. Thiers.

La première idée de la convention qui a été signée le 13 juillet 1841, apparaît dans le mois de décembre 1840. Les alliés avaient repoussé la France du concert européen, tant qu’elle pouvait y exercer une influence quelconque et y représenter d’autres intérêts que les leurs. « Si la France entrait maintenant dans la conférence, dit lord Palmerston[1], pour régler les dernières difficultés entre le sultan et Méhémet-Ali, elle y entrerait comme la protectrice avouée du vice-roi, et elle introduirait ainsi dans la conférence un élément de discorde, au lieu d’y apporter des moyens de conciliation. » Mais, après la soumission de Méhémet-Ali, l’humiliation de la France étant complète, et son impuissance volontaire n’étant pas moins avérée, les puissances songèrent à tirer parti de la bonne volonté de M. Guizot, pour mettre le sceau à leur œuvre de ténèbres. Ajoutez que les armemens entrepris par le ministère du 1er mars et maintenus par les chambres avaient obligé les coalisés à augmenter leurs escadres et leurs forces militaires, en leur imposant des dépenses qu’ils étaient hors d’état de soutenir. On avait isolé la France dans l’espoir que cet isolement resterait pacifique ; mais on ne voulait pas d’un isolement qui avait les charges de la guerre, et qui pouvait en faire naître les dangers.

Lord Palmerston, qui voyait sa position politique menacée par les embarras financiers du cabinet, prit l’initiative d’un arrangement. On voit, par une dépêche de lord Clanricarde, à la date du 22 décembre, qu’il soumit au cabinet russe les bases d’une convention par laquelle la France, de concert avec les quatre cours, aurait garanti l’intégrité de l’empire ottoman. C’était reproduire, sous la forme

    sances exigeaient non pas seulement que le pacha cessât les hostilités, mais qu’il se soumît sans condition. Elles promettaient de demander pour lui l’hérédité de l’Égypte, mais elles ne s’engageaient pas à l’obtenir.

    M. Guizot disait encore : « Ce pachalik héréditaire est offert à Méhémet-Ali au nom des puissances. Dans cet état des faits, des faits accomplis et diplomatiques, que voulez-vous qu’on fasse ? Si vous étiez encore aux affaires, quel conseil donneriez-vous au pacha ? Lui donneriez-vous le conseil de refuser l’Égypte ? » (Séance du 26 novembre 1840.)

  1. Dépêche de lord Palmerston à M. Bloomfield, 2 décembre 1840.