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lui offrir ; mais qu’il appartient au sultan, comme souverain de l’empire turc, de décider lequel de ses sujets sera désigné par lui pour gouverner telle ou telle partie de ses domaines, et qu’aucune puissance étrangère n’a le droit de contrôler le sultan dans l’exercice discrétionnel d’un des attributs essentiels de la souveraineté. »

Lord Palmerston applique ici à l’empire ottoman les principes qui gouvernent les monarchies européennes. Il veut trouver l’ordre dans l’anarchie. Il oublie que, depuis la naissance de l’islamisme, l’Égypte a échappé presque constamment au pouvoir qui dominait à Constantinople, et qu’elle n’appartenait déjà plus de fait au sultan lorsque Méhémet-Ali, vainqueur des mamelucks, y établit un gouvernement régulier. Sans doute un souverain doit, en thèse générale, retenir dans ses mains le droit de désigner et de révoquer les fonctionnaires chargés d’administrer les provinces de son empire, et, pourvu qu’il exerce lui-même cette faculté, les puissances étrangères n’ont pas à intervenir. Mais, si le droit de nomination ou de révocation est exercé sous le nom du sultan par une ou par plusieurs puissances étrangères, les autres doivent être reçues à s’y opposer. C’est le traité du 15 juillet, dirigé, en apparence du moins, contre le pouvoir de Méhémet-Ali, qui a autorisé la France à garantir l’existence du vice-roi. La provocation justifiait la défense. À une intervention des quatre cours en faveur du sultan, la France répondait par une intervention en faveur de Méhémet-Ali. C’était le droit de la guerre, et la force pouvait seule prononcer.

Ce jugement de la force, cette raison dernière du canon, les coalisés avaient certainement renoncé à l’invoquer, quand lord Palmerston, à la réception de la note du 8 octobre, signifia au sultan qu’il eût à réintégrer Méhémet-Ali dans la possession légale de l’Égypte. On sait encore que, dans son empressement à satisfaire M. Thiers, le ministre anglais avait invité le sultan à porter cette détermination à la connaissance du vice-roi, sans attendre qu’il eût fait acte de soumission. Les instructions du 15 octobre furent modifiées à la suite d’un memorandum signé par les représentans des quatre cours ; la conférence décida que la soumission de Méhémet-Ali devait précéder les démarches amicales dont les ambassadeurs étaient chargés.

« Néanmoins, pour faire ressortir davantage les justes égards dus aux droits de sa hautesse, le cabinet de Vienne a été d’avis que les conseils que les représentans des quatre cours seraient appelés à adresser au divan relativement à la réintégration de Méhémet-Ali dans le pachalik de l’Égypte ne devraient être émis à Constantinople qu’après que Méhémet-Ali eût commencé par