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et qu’il ne devait pas me cacher que la position de la France, à l’égard de Méhémet-Ali, était devenue plus serrée depuis qu’il avait cédé aux représentations du gouvernement français.

« M. Thiers ne fit aucune allusion à la possibilité d’étendre les concessions de Méhémet-Ali, mais j’ai appris d’une personne qui a la confiance du gouvernement français, que ces concessions sont considérées comme la base d’un arrangement, et qu’on les croit susceptibles d’être étendues. »

Tous les avantages se trouvaient réunis dans cette proposition. C’était la solution la plus raisonnable et une solution pacifique des affaires d’Orient ; elle rapprochait la France des signataires du traité de Londres, sans intéresser l’honneur des puissances et sans porter atteinte au principe même du traité. Pour peu que lord Palmerston eût désiré la paix et qu’il eût regretté l’alliance française, il devait prêter l’oreille à cet arrangement ; mais lord Palmerston n’avait provoqué la coalition des quatre cours, il ne l’avait scellée que pour rompre avec la France : toute ouverture de paix dérangeait ses plans[1], et il devait l’écarter. J’ignore ce que répondit lord Palmerston à M. Guizot ; mais les documens parlementaires prouvent qu’il ne fit aucune réponse à la dépêche de lord Granville, et qu’il ne vit dans les propositions qu’on lui adressait aucune raison de modifier ses précédentes instructions. Si donc une guerre générale n’a pas éclaté en Europe, ce n’est pas la faute de lord Palmerston ; il a tout fait pour la rendre inévitable, quand la France faisait tout et faisait peut-être trop pour l’empêcher : grande responsabilité pour l’Angleterre devant l’Europe et devant l’histoire !

J’arrive au dernier acte diplomatique du précédent cabinet, à la note du 8 octobre, que l’on a si diversement jugée. Il serait hors de propos de rentrer dans cette discussion ; je me bornerai à mettre la dépêche française en regard des faits et à rechercher l’influence qu’elle peut avoir exercée sur la marche des évènemens.

Le firman qui prononçait la déchéance de Méhémet-Ali avait été rendu le 14 septembre 1840. Voici dans quels termes la Porte annonçait cette mesure à lord Ponsonby :

« Méhémet-Ali n’ayant pas accepté les conditions qui lui ont été offertes d’après l’acte séparé du traité d’alliance conclu à Londres, sa hautesse a résolu d’employer des mesures coercitives pour la défense de ses droits incon-

  1. Lord Ponsonby écrit à lord Palmerston, de Constantinople, le 2 septembre : « Si la convention est exécutée avec promptitude et avec vigueur, on ne peut pas raisonnablement douter d’un succès complet ; mais, si l’on admet des délais et si on se laisse jouer, elle échouera. »