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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

« Il est donc certain que la France ne prendra point une part active à la défense de Méhémet-Ali, et le gouvernement français nous l’a itérativement déclaré.

« Vous verrez que des ordres ont été donnés à la flotte britannique d’agir tout à la fois en coupant les communications entre la Syrie et l’Égypte et en assistant les Syriens. Si Méhémet-Ali s’en plaignait et faisait remarquer que cette résolution ne lui a point été notifiée, vous lui rappelleriez avec civilité que nous sommes les alliés du sultan ; que nous avons le droit d’aider les fidèles sujets du sultan à lui garder cette fidélité, ainsi que le sultan lui-même à faire rentrer dans le devoir ceux de ses sujets qui se sont, comme Méhémet-Ali, révoltés contre lui, et que, Méhémet-Ali n’étant pas un souverain indépendant avec lequel les quatre puissances entretiennent des relations politiques, ces puissances ne sont pas dans l’obligation de lui notifier la marche qu’elles se proposent de suivre.

« Les conditions que l’on offre à Méhémet-Ali sont la meilleure preuve que nous n’avons pas l’intention de le détruire, ni de le frapper plus qu’il n’est nécessaire pour l’accomplissement des grands résultats que nous avons en vue. Mais il faut qu’il comprenne bien que ces propositions sont comme les livres sibyllins, et que plus il résistera, moins il finira par obtenir.

Cette dépêche, dont il est inutile de faire remarquer l’insolence, car elle s’adresse à un agent anglais, et n’a d’autre objet que de le monter au diapason de son gouvernement, montre bien que lord Palmerston n’hésitait devant aucune extrémité, quelque immorale qu’elle fût. On a vu que les puissances étaient convenues entre elles d’exécuter le traité de Londres, sans attendre l’échange des ratifications, ce qui était déjà une première atteinte portée aux règles du droit des gens. Voici maintenant une seconde dérogation à ces principes sacrés : les puissances interceptent les communications entre l’Égypte et la Syrie, capturent des bâtimens, appellent les Syriens à la révolte, et tout cela sans même avoir pris la peine de notifier leurs intentions à Méhémet-Ali. C’est la guerre avant toute déclaration de guerre ; c’est un acte de piraterie qui rappelle les violences maritimes du gouvernement anglais pendant les guerres de la république et de l’empire. Mais lord Palmerston n’est-il pas de l’école de Pitt ?

Le promoteur de cette dernière coalition paraît sentir lui-même que sa politique n’est pas à l’abri de reproche, car il prévoit les plaintes de Méhémet-Ali, et dicte la réponse qu’on lui fera. Lord Palmerston prétend que, Méhémet-Ali n’étant pas un souverain indépendant, les coalisés ont pu légitimement se dispenser à son égard des procédés qui, dans le droit commun, régularisent les hostilités. Cela serait vrai, si les puissances n’avaient pas déjà traité avec Mé-