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La réponse de M. Cochelet à ces instructions prouve qu’elles avaient été comprises ; la loyauté de nos représentans à Constantinople et à Alexandrie nous garantit qu’elles ont été fidèlement suivies.

« L’invitation que vous me faites se trouve complètement en rapport avec la situation actuelle des choses, qui démontre que toutes les chances d’un arrangement direct semblent avoir été épuisées par Méhémet-Ali lui-même. En effet, après la lettre du 21 février à Kosrew-Pacha, la remise qui en a été faite aux grandes puissances, et le silence de la Porte sur ce qui a été écrit, on ne peut exiger du vice-roi qu’il prenne l’initiative d’une nouvelle démarche. Il paraît donc décidé à n’en plus faire d’aucune espèce. »

La position prise par le gouvernement français dans cette difficulté paraît claire et nette. Il n’avait pas interdit les conseils de modération que ses agens pouvaient donner aux deux parties ; mais il avait interdit, selon l’expression de M. Thiers, toute négociation qui pouvait être imputée à la France. Cette déclaration a valu au ministère du 1er mars un autre genre de reproches ; on lui a fait un crime, en France, de s’être abstenu ; on a dit que la France avait bien le droit, quand les grandes puissances s’efforçaient de prévenir un arrangement direct, de travailler à l’opérer dans l’intérêt de la paix.

Le droit n’est pas contestable. La France n’avait pris aucune part aux conférences de Londres ; elle se bornait à communiquer, par son représentant, M. Guizot, avec les négociateurs. Elle avait réservé toute sa liberté, et les procédés qu’il lui convenait encore de garder n’étaient point une obligation de sa part. Mais le gouvernement avait un motif plus puissant de ne pas négocier l’arrangement direct, c’est qu’une telle combinaison n’avait pas, tant que les puissances persisteraient à la combattre, la moindre chance de succès. L’Angleterre et la Russie commandaient à Constantinople, et la Porte, depuis qu’elle s’était livrée à leur ascendant, n’avait plus ni pouvoir ni volonté. Demander l’arrangement direct à la Porte, c’eût été le proposer en réalité à l’Angleterre et à la Russie.

La mission de M. Eugène Périer à Alexandrie a été invoquée aussi par lord Palmerston comme une preuve de la secrète intelligence qui existait entre le gouvernement français et le vice-roi. On remarquera d’abord que la nouvelle de cette mission ne peut avoir influé en aucune façon sur la résolution des plénipotentiaires réunis à Londres. Le traité qu’ils ont signé porte la date du 15 juillet 1840 ; M. Périer n’arrivait que le 16 juillet à Alexandrie.