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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

qui amèneraient les catastrophes qu’il s’agit d’éviter, peser indirectement sur les gouvernemens, pour empêcher le mal, et, si l’occasion se présente, encourager les bons efforts et guider vers le bien. Ce n’est point là de la propagande, ou c’en est une avouable, utile, glorieuse. Ce n’est pas non plus une chimère. Dès les premières années qui suivirent la révolution de juillet, plusieurs de nos ambassadeurs avaient pris déjà cette attitude en Italie. Les mauvaises passions, qui, là comme chez nous, agitaient quelques esprits exaltés et factieux, cherchaient ailleurs leur appui ; mais, dans leurs salons ouverts à tous, un honorable patronage était offert au mouvement des intelligences sérieuses, aux vœux sages qu’il est partout permis de former pour le bonheur et l’avenir de son pays. Les gouvernemens comprenaient qu’ils étaient étudiés et jugés. Ils sentaient le besoin de se surveiller eux-mêmes et de se poser quelques freins devant ces observateurs imposans par leur caractère, par leurs lumières, et dont l’opinion n’avait pas même besoin d’être exprimée pour être d’un grand poids. Sans doute, derrière l’action personnelle des agens diplomatiques, il faut qu’on puisse sentir la force du gouvernement qui les dirige et qui les appuie ; toutefois ces agens peuvent eux-mêmes nous garantir de quelques-uns des inconvéniens attachés aux formes des gouvernemens représentatifs. En effet, sous un régime parlementaire, il est toujours à craindre qu’on ne soit porté, malgré soi, à sacrifier les intérêts permanens de la politique extérieure aux exigences, parfois aux simples convenances de la politique intérieure. Dans un moment donné, pour mener à bien une affaire dont le succès intéresse la marche du gouvernement, les ressorts de notre diplomatie sont soudainement tendus, on leur demande même alors plus de force qu’ils n’en possèdent réellement ; mais, la circonstance passée, on retombe dans l’indifférence. Les affaires qui ne font pas de bruit, et qui ne doivent pas causer de retentissement, n’ont qu’une faible part dans les pensées d’un cabinet dont les discussions parlementaires absorbent presque tous les momens. Nous devons peut-être nous résigner à être long-temps, sous ce rapport, dans une infériorité relative vis-à-vis des autres puissances étrangères, dont l’attention n’est point ainsi distraite, et peut se porter avec persévérance jusque sur les moindres détails. Le remède n’en serait-il pas dans la composition même du corps diplomatique ? Il faut que le gouvernement puisse beaucoup compter et se reposer sur des agens auxquels il ne peut donner que des directions générales et peu fréquentes. Il faut qu’il trouve en eux des instrumens très intelligens