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entre particuliers, des affaires journalières qui se traitent entre les cabinets, dont le secret leur appartient, que le public ne doit pas connaître tant qu’elles ne sont point finies, et dont on ne pourrait utilement l’entretenir. Dans ces transactions incessantes, chaque gouvernement a le droit de se montrer à son gré plus exigeant ou plus facile, plus froid ou plus gracieux, incommode dans certains cas, ou prêt à rendre service. C’est cela même qui est la politique ; ce sont là tous les grands secrets de la diplomatie, qui passe auprès de quelques-uns pour un art si obscur et un inextricable mystère. Entre une grande et une petite puissance, quoique les droits soient égaux, la partie n’est pas égale. La plus faible a plus de raisons de craindre et moins de moyens de se faire redouter, plus de bons offices à souhaiter et moins de services à rendre en retour. Voilà comment s’établit l’influence, voilà nos moyens d’action en Italie. On comprend maintenant qu’ils existent en effet, que notre gouvernement les possède, puisse en user, et que nous ne puissions les énumérer ici.

Il y a un autre moyen d’action dont on peut dire un mot. L’action des agens diplomatiques, des nôtres surtout, est grande en Italie, Placé au milieu de peuples plus avancés que leurs institutions, en face de gouvernemens moins éclairés que leurs sujets, l’ambassadeur de France ne représente pas seulement un pays puissant habitué à compter dans les conseils de l’Europe, comme l’Angleterre et l’Autriche. Pour tout le monde, pour les cabinets avec lesquels il traite, pour le public surtout, qui a les yeux fixés sur lui, il est quelque chose de plus. La France marche à la tête des nations les plus civilisées, les idées qui ont triomphé chez elle ne tardent pas à se faire accepter ailleurs ; elles ne restent pas emprisonnées dans ses frontières, elles les passent assez vite, et nos voisins de l’autre côté des Alpes sont les premiers à les accueillir. Il leur semble que notre situation politique doive un jour devenir la leur. Ils aiment à croire qu’une même destinée les attend. Ils cherchent à deviner et à lire à travers nos agitations les pages futures de leur histoire. Les actes de l’ambassadeur de France, ses paroles, ses jugemens, sont donc l’objet d’une curiosité qui n’est ni ordinaire ni frivole. Il est facile de deviner ce qu’un personnage grave, qui aurait été lui-même, comme la plupart de nos ambassadeurs, mêlé au maniement de nos affaires intérieures, peut tirer de cette position. Son action devrait se faire sentir de deux façons et se proposer un double but, modérer les espérances excessives, détourner des imitations serviles