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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

voies détournées, des affaires intérieures des états romains. Il y a là des problèmes peut-être insolubles, des questions qu’il serait fâcheux de soulever, des embarras auxquels on se reprocherait d’avoir mis la main. Les dispositions des populations y sont du reste très variées et très incertaines. À Rome, la haute société, la seule qui soit aujourd’hui quelque chose, est insouciante, frondeuse, peu portée pour la France. Elle recherche encore les dignités ecclésiastiques et exploite à son profit un genre de gouvernement dont elle affecte de reconnaître et de censurer les inconvéniens. Une partie de la Romagne est très fanatique, tandis que les villes de Bologne et d’Ancône sont animées d’un esprit libéral assez vif. Elles regrettent l’occupation française et autrichienne, elles passent pour désirer la réunion au royaume de Naples.

L’Autriche a conservé beaucoup d’influence à Rome, et politiquement cela est impossible autrement ; toutefois cette influence n’est pas exclusive. Le pape actuel maintient assez bien son impartialité. Cette impartialité sied trop à sa haute position de père commun des fidèles pour qu’il soit désirable de l’en faire sortir, fût-ce à notre profit.

Le royaume de Naples, placé à l’extrémité de la péninsule, sans autre voisin que le saint-siége, doit à sa seule position géographique des avantages qui sont partout ailleurs la conquête de l’homme, le prix des laborieux efforts des gouvernemens et des peuples. Son climat est le plus beau, ses provinces sont les plus peuplées de toute l’Italie ; sa capitale est, après Paris et Londres, la cité la plus considérable de l’Europe ; ses habitans sont intelligens, actifs, faciles à gouverner. La Sicile, par sa fertilité fabuleuse, par ses ports placés à mi-chemin de l’Orient et les plus beaux de la Méditerranée, semble prédestinée à une prospérité intérieure et à un avenir commercial immense. Naples a peu souffert des grandes guerres du siècle dernier. On n’y a ressenti que le contre-coup affaibli des évènemens dont les populations du nord ont porté tout le poids et subi toutes les conséquences. Le plus grand des malheurs pour un pays, l’invasion étrangère, n’y a jamais constitué ouvertement sa domination. Les réactions violentes qui signalèrent l’établissement de la république et la première rentrée des Bourbons, quelque déplorables qu’elles fussent en elles-mêmes, témoignèrent du moins de la vivacité des convictions qui étaient alors aux prises chez les Napolitains. Les Français et les Anglais ne s’y mesurèrent pas au milieu de l’insouciance générale,