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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

Turin de ce qui se passe à Paris, et sans doute beaucoup plus que de ce qui peut se passer à Vienne. On y verrait avec plaisir nos doctrines gagner quelque crédit sur le gouvernement du pays. Il y a beaucoup d’hommes distingués en Piémont, dans la classe bourgeoise et dans les rangs mêmes de la noblesse. Il y a des savans qui sont à la hauteur des découvertes les plus récentes, des jurisconsultes habiles qui s’occupent théoriquement des questions soulevées par les formes les plus nouvelles de nos sociétés modernes. Tout ce public d’élite est retiré et modeste ; il vit séparément, et n’est pas assez connu chez nous. Mais ce sont les livres français qu’il recherche avidement, ce sont les idées françaises qui l’inspirent ; il y a là le germe d’une puissance d’opinion publique qui en vaut bien une autre, et que nous devons avoir pour nous si nous savons la ménager et la considérer comme elle le mérite.

Il ne manque pas, à Turin et à Gênes, d’établissemens philantropiques, d’institutions civiles fondées et dirigées par de riches particuliers, et qui témoignent non-seulement de leur humanité, mais aussi de leurs lumières et de leur capacité administrative. Les Piémontais qui y étaient appelés par leur mérite ont reçu l’autorisation d’assister au dernier congrès scientifique tenu à Florence. Ils n’ont été ni les moins remarqués ni les moins dignes de l’être au milieu de cette réunion des plus nobles enfans de l’Italie. Ces réunions, présidées par un grand-duc de Toscane, sont un évènement national, une heureuse et paisible conquête qui n’a dépouillé personne. Espérons que les répugnances qu’elles ont rencontrées céderont toutes, et que la cour de Rome ne voudra pas long-temps rester seule sans représentans dans des assemblées où elle eût jadis tenu le premier rang.

Rien n’est plus délicat que les rapports avec le saint-siége. Les deux caractères du pape, comme prince temporel et comme chef de l’église catholique, ne sont pas si distincts qu’ils ne se puissent confondre sur quelques points, et le Vatican a toujours mis une partie de son habileté à aller chercher sur un de ces terrains la force qui lui manquait sur l’autre. La révolution qui a envoyé s’éteindre dans l’exil la race des fils aînés de l’église, sacrés par la main de ses pontifes, et qui arborait un drapeau dangereux pour les souverains de l’Italie, ne pouvait être vue que de mauvais œil à Rome. La brusque occupation d’Ancône fut un nouvel aliment à cette irritation. Si cette occupation n’avait pas été conduite avec une prudence qui fit hon-