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daigne ne pourrait que gagner à un plus grand déploiement de ses forces navales, et il n’est pas un homme politique qui ne sache combien nous devons souhaiter l’accroissement de toutes les marines secondaires de l’Europe.

On ne remarque point dans les affaires intérieures du Piémont cette incurie complète et la foule d’abus qui sont le cortége habituel des gouvernemens absolus. On ne saurait non plus, il s’en faut de beaucoup, le citer comme un modèle parmi ces derniers. Tout ce qui regarde la sûreté intérieure du pouvoir dominant, et la défense extérieure du territoire, a été l’objet d’une attention soutenue et minutieuse. Mais cette attention s’est exclusivement portée vers ce qu’il y a de plus positif et de plus matériel, si l’on peut ainsi parler, dans les moyens dont un gouvernement dispose, à savoir, l’organisation d’une force armée considérable, d’une police active et d’un réseau de forteresses redoutables ; l’emplacement des fortifications nouvellement construites trahit assez les craintes d’un cabinet qui ne se croit point parfaitement assuré de la soumission de tous ses sujets, et qui, dominé par ses passions du moment, a aliéné sa liberté et renoncé d’avance à la possibilité de choisir, au jour donné, entre ses alliés les plus utiles et ses ennemis les plus dangereux. C’est ainsi que le fort récemment élevé au centre de l’ancienne enceinte de Gênes est plutôt une menace significative, toujours prête, contre les habitans de la seconde ville du royaume, qu’un complément ajouté à sa défense. C’est ainsi que des ouvrages nouveaux, dont il est difficile de préciser le nombre et l’importance, hérissent, du côté de la France, tous les points principaux et jusqu’aux moindres passages d’une frontière déjà si bien gardée par les Alpes, tandis que, du côté de la Lombardie, pays plat et ouvert, aucune place de quelque valeur ne peut arrêter les Autrichiens, dont les grands magasins militaires ne sont pas à trois jours de marche de Turin. Cette faute grave n’est pas la seule que les peuples auront peut-être un jour à reprocher à leur gouvernement. La Sardaigne, cette île si heureusement située à vingt-quatre heures des côtes de la terre ferme, est à peu près abandonnée à elle-même, sans qu’on songe à demander à son sol et à ses productions si variées tous les bénéfices qu’une bonne administration saurait en tirer. Gênes elle-même, cette ancienne capitale d’une république indépendante, riche et active, pourrait se plaindre de la froideur que ses nouveaux possesseurs montrent pour une acquisition si précieuse. Le roi et son gouvernement ne sont que trop confirmés dans cette froideur par l’aversion sourde qui divise les deux sociétés génoise et