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connaissance des personnes bien informées, de plusieurs séjours dans toutes les parties de l’Italie, et d’une vive sympathie pour ce beau et malheureux pays.

On aurait tort de croire que la révolution française de 89 ait été un évènement heureux pour l’Italie et profitable à notre influence. Avant la convocation des états-généraux en France, des tendances de réforme et de progrès se faisaient remarquer chez la plupart des gouvernemens italiens. Sans doute l’impulsion elle-même était d’origine étrangère ; elle était surtout l’effet des idées philosophiques du siècle dernier. Mais, en traversant les Alpes, ces nobles idées semblaient être rentrées dans leur première patrie ; elles y avaient trouvé pour interprètes les Verri, les Beccaria, les Filangieri, et la forme nationale qu’elles avaient reçue de ces esprits éminens en avait étendu et popularisé l’empire. Une paisible et généreuse émulation avait gagné les sujets, les ministres, et jusqu’aux souverains eux-mêmes. L’histoire, qui néglige trop facilement les faits qui n’ont point porté toutes leurs conséquences, tiendra peu de compte de cette trop courte période ; les Italiens, amis éclairés de leur pays, retiendront toutefois avec reconnaissance les noms des hommes d’état modestes qui avaient commencé une tâche si belle. Le comte de Firmian en Lombardie, le marquis Tanucci à Naples, étaient non-seulement des administrateurs distingués, exclusivement voués au bien public, mais aussi, sur quelques points, des réformateurs très hardis. Les usages les plus choquans de la féodalité, les anciens abus d’une fiscalité vicieuse, disparaissaient sans secousse, grace à leurs soins et par des mesures sagement combinées. Les prétentions excessives du saint-siége trouvaient en eux des adversaires infatigables ; quelques-uns ne craignaient même pas, pour y mieux résister, de faire appel à l’opinion et aux discussions publiques. Presque partout les anciennes lois étaient revues dans un esprit de justice et de plus grande égalité civile. Quoique les mots de garanties politiques ne fussent point prononcés, que l’idée elle-même en fût à peine entrevue, il semblait que l’on pouvait déjà prévoir le moment où l’on aurait paisiblement, par la pratique seule, acquis d’une part et concédé de l’autre ce dernier gage qui a coûté ailleurs tant de luttes et de sang.

Malheureusement, le spectacle que donna alors la France vint changer à la fois la bonne volonté des princes et la modération des sujets. Les troubles qui agitèrent Paris en 1790, l’étrangeté des doctrines qui se professaient à la tribune de notre seconde assemblée législative, les défis lancés à la vieille Europe, plus que tout cela les