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de la nature et de l’importance de ses relations avec les puissances étrangères ; elle pencherait volontiers à croire qu’un corps diplomatique qui fait si peu parler de lui, dont l’action est forcément inaperçue, que ces ambassadeurs, ces ministres, si nombreux, si chèrement rétribués, ne sont peut-être, après tout, qu’un appareil de luxe assez inutile, une de ces charges dont une grande nation aurait mauvaise grace à s’affranchir entièrement, et qu’il faut conserver pour le soin de sa dignité et l’éclat de sa représentation extérieure, à peu près comme en Allemagne les héritiers dépossédés des familles princières entretiennent encore à grands frais, auprès de leurs personnes, quelques semblans de cour qui les ruinent. Les intérêts qu’une agglomération de trente-deux millions d’hommes a nécessairement au-delà de ses frontières méritent cependant d’être signalés au gouvernement en vue de son influence politique, à la masse des capitalistes et des négocians au profit de l’augmentation des échanges internationaux, au public enfin pour la satisfaction d’une curiosité qui ne serait pas tout-à-fait stérile. Il y aurait là, pour des publicistes sages, impartiaux et dévoués au pays, un rôle très élevé et très efficace, car ils agiraient infailliblement sur l’opinion publique, par l’opinion publique sur les chambres, par les chambres sur le gouvernement.

Prenons un exemple, celui de nos relations commerciales. Les autres nations ont étendu le cercle de leur activité au dehors ; nous n’avons point suivi le mouvement général ; notre commerce n’est point arrivé à un degré suffisant d’importance et d’activité, et, de l’aveu de tous, ne semble pas en voie d’y atteindre bientôt. La plupart des cabinets ont modifié leurs traités ; ils en ont contracté entre eux de nouveaux et de plus avantageux ; de petits états naguère insignifians ont subitement acquis par leur fusion une importance commerciale considérable. Enfin, la ligne des douanes allemandes se resserre tous les ans d’une façon plus effrayante contre notre frontière de l’est, et nous menace de ce côté d’un prochain et maintenant inévitable isolement. Voilà ce qui s’est passé sous nos yeux, à notre porte, sans que notre gouvernement ait, au moins extérieurement, donné signe de vie. Il a paru voir les progrès de nos voisins sans jalousie, notre déchéance sans émotion ; on aurait dit que cela ne le regardait pas, que ce n’était pas à lui de s’opposer au mal. N’est-il pas permis de penser que ces faits et tant d’autres aussi tristes à signaler ne seraient point pour nous aujourd’hui le sujet d’un peu de honte et de beaucoup de dommages, si l’éveil avait été donné, si ces questions avaient été soigneusement étudiées, pu-