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Les Jakutes habitent pendant l’été des tentes formées d’écorce de bouleau et posées sur des pierres. Ils s’en vont alors de pâturage en pâturage, occupés seulement du soin de garder leurs troupeaux et d’amasser du fourrage pour la mauvaise saison. Quand vient l’hiver, ils se retirent dans leurs chaudes jartes. Ce sont des cabanes en poutres légères, recouvertes de terre, de gazon, et construites en forme de pyramide. De chaque côté de la cabane, il y a une fenêtre garnie en hiver de lames de glace servant de vitres ; en été, de vessies de poisson ou de papier huilé. Le sol est couvert de terre glaise ; chez les riches, il y a un plancher. Le long des murailles, on aperçoit de larges lits en bois, où toute la famille repose pêle-mêle, excepté le père et la mère, qui ont le leur à part. Au-dessus de ces lits sont suspendus les vêtemens, les ustensiles de ménage. Au milieu de l’habitation est le foyer, d’où la fumée s’en va par le toit, sans cheminée et sans tuyau. Près de la jarte est l’étable des vaches. Parfois, quand l’hiver est trop rigoureux, le Jakute fait entrer ses chers animaux dans sa cabane, et leur donne une place à son foyer. Les pauvres chevaux sont seuls exclus de cette heureuse hospitalité. Quelque temps qu’il fasse, il faut qu’ils restent en plein air et cherchent misérablement le gazon enfoui sous la neige. Seulement, lorsqu’un des membres de la famille doit faire un voyage, il va les chercher, leur donne d’une main avare un peu de foin, puis, à son retour, les abandonne de nouveau à leur malheureux destin.

L’existence des Jakutes, dispersés sur une immense étendue de terrain, exilés au bout du monde, est, comme on peut se le figurer, très dépourvue d’évènemens. Les diverses saisons leur imposent tour à tour des occupations régulières, et l’emploi de chaque jour est déterminé d’avance. En hiver, les hommes vont à la chasse ; les femmes, assises autour de l’âtre enfumé, préparent les fourrures, cousent les vêtemens, ou broient le poisson. Le soir, quand la communauté est réunie, on fume, on se partage la bouillie d’écorce de pin. Le chasseur raconte les périls qu’il a surmontés, les luttes qu’il a soutenues avec les ours ; et quel bonheur, si, pour prolonger la veillée, il reste encore dans l’habitation un pot de graisse ou un flacon d’eau-de-vie ! Parfois, à l’heure de minuit, à la lueur sombre des tisons du foyer, apparaît le schaman, le sorcier du district, qui vient faire ses conjurations pour retrouver une vache perdue, pour guérir une maladie, ou invoquer les esprits en faveur d’une entreprise, d’un voyage.

Tous les Jakutes sont baptisés. Les commandemens de Dieu, une