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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

Pendant que cette querelle amusait le tapis, l’Angleterre agissait en Orient avec une grande énergie : elle se servait du colonel Hodges ainsi que de M. de Medem pour irriter le pacha d’Égypte et pour le pousser à bout ; elle employait lord Ponsonby et ses agens à insurger la Syrie ; elle réchauffait le zèle chancelant de l’Autriche et de la Prusse ; elle dictait à la Porte les notes réitérées que ses ambassadeurs adressaient à la conférence pour accélérer le dénouement des négociations. Dans tous ces détails de son œuvre, on ne peut qu’admirer l’infatigable activité de lord Palmerston.

Pour que le silence diplomatique qui a précédé et favorisé la signature du traité de Londres fût toute autre chose qu’un piége tendu à la bonne foi de la France, il aurait fallu qu’il ne couvrît pas les manœuvres les plus hostiles et les plus multipliées. La réserve que l’on gardait envers nous ne pouvait trouver son excuse que dans une complète inaction ; agir et se taire, c’était déjà trahir l’alliance que l’on prétendait maintenir.

À la vérité, lord Palmerston s’est prévalu, dans le memorandum du 31 août 1840, d’une communication qu’il aurait faite à M. Guizot dans le cours du mois de mai, et qu’il aurait présentée comme l’ultimatum des coalisés. Cette proposition consistait, comme on sait, dans l’offre d’attribuer à Méhémet-Ali la possession héréditaire de l’Égypte, et celle du pachalik d’Acre, y compris la place, sa vie durant. Le refus de la France fut signifié à lord Palmerston le 27 juin. M. Thiers a déjà fait remarquer, dans le memorandum du 3 octobre, que le gouvernement anglais, par cette nouvelle proposition, retranchait de ses premières offres plus qu’il n’y ajoutait, l’occupation viagère de la place d’Acre ne valant pas, à beaucoup près, l’hérédité de ce pachalik. C’est encore une observation de M. Thiers que la démarche de lord Palmerston avait si peu le caractère d’un ultimatum, que, sur une insinuation de MM. de Bulow et de Neumann, le cabinet français conçut l’espérance d’obtenir pour le vice-roi la possession viagère de toute la Syrie. J’ajouterai qu’il est impossible d’admettre comme l’ultimatum des puissances une ouverture qui fut faite séparément d’abord par M. Neumann et ensuite par lord Palmerston, sous la forme d’une conversation, comme il l’avoue lui-même. Quand un gouvernement veut se mettre en règle avec un autre gouvernement et surtout avec un allié, il lui doit au moins, avant de prendre congé de cette alliance, de l’avertir et de lui signifier sa résolution par une note officielle et délibérée en conseil. Ce que lord Palmerston avait fait pour le ministère du 12 mai bien avant la rup-