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clusion du traité de Londres (du 1er mars 1840 au 15 juillet), on ne trouve pas la moindre trace d’une proposition ou d’une ouverture quelconque faite à la France. La seule dépêche politique qui s’y rencontre est adressée à l’ambassadeur anglais auprès du cabinet de Vienne, lord Beauvale, et rend compte d’une conversation qui aurait eu lieu entre lord Palmerston et M. Guizot, au sujet des prétentions respectives de la France et de l’Angleterre, conversation qui n’est remarquable que par cette assertion froidement insolente, que les forces navales de la France, unies à celles de l’Égypte, ne tiendraient pas contre celles de l’Angleterre et de la Russie, et par cette autre déclaration un peu moins franche que l’Angleterre n’accepterait pas la possession de l’Égypte, même quand on la lui offrirait[1].

Mais, si lord Palmerston ne se montre pas plus pressant à l’égard de la France, qu’il tient à écarter plutôt qu’à rapprocher des puissances européennes, en revanche il ne perd pas un moment pour préparer et pour faciliter l’exécution du traité qu’il va signer. Sa première préoccupation est de travailler sans relâche à affaiblir la marine française et de diminuer ainsi la force de résistance que nous aurons plus tard à lui opposer. Autant il est avare de dépêches sur la question d’Orient, autant il est prodigue de dépêches sur la question de nos armemens. Le ministère du 1er mars était à peine installé, que lord Palmerston faisait savoir à lord Granville, le 5 mars, qu’outre les dix-sept vaisseaux armés ou en armement, la France allait mettre en mer l’Inflexible de 90 canons, et lui enjoignait de demander des explications à M. Thiers. Le 17 mars, nouvelle sommation, dans laquelle le ministre anglais affiche la prétention de réduire à dix vaisseaux notre flotte de la Méditerranée. Le 5 mai, la querelle recommence : lord Palmerston, désespérant d’intimider la France, cherche à la persuader ; il offre, dans le cas où la France réduirait à douze vaisseaux de ligne le nombre de ses bâtimens en commission, de fixer au même nombre les forces navales de l’Angleterre dans la Méditerranée ; mais il se réserve de garder huit vaisseaux de plus, soit à Lisbonne, soit dans les Indes, soit à Portsmouth et à Chatam. La réponse de M. Thiers conciliait les soins de la prudence avec les intérêts de la modération. Il offrit d’opérer dans les forces navales de la France le même partage, et d’avoir une flotte à l’est, une flotte à l’ouest de Toulon. Lord Palmerston, voyant la mine éventée, demanda au parlement les moyens d’augmenter la marine anglaise dans le Levant.

  1. Dépêche de lord Palmerston à lord Beauvale, 12 mars 1840.