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plénipotentiaire prussien s’attend à recevoir bientôt de son gouvernement une semblable autorisation. Je ne puis pas parler avec une égale certitude de la conduite que tiendra le gouvernement français ; mais, en tout cas, la présence d’un plénipotentiaire turc sera demandée. Vous aurez donc à presser Reschid-Pacha d’envoyer immédiatement à Nourri-Effendi, ambassadeur de la Porte à Paris, le pouvoir et l’autorisation de signer à Londres toute convention qui pourra lui être proposée par les plénipotentiaires des cinq puissances ou de quatre sur cinq, pourvu que cette convention assure des avantages au sultan sous la forme d’un secours et d’une assistance que lui donneront les cabinets européens. »

Un mois plus tard, lord Palmerston faisait dire à Méhémet-Ali par le colonel Hodges, qui avait remplacé le colonel Campbell à Alexandrie :

« S’il est nécessaire d’employer la force pour contraindre Méhémet-Ali, et si cette force est efficace, il serait possible que Méhémet-Ali n’obtint pas du sultan les conditions qui lui auraient d’abord été proposées. À une garnison qui capitule à temps on accorde des conditions honorables, mais une garnison qui insiste pour être bombardée (stormed) s’expose aux chances de la guerre. »

Pendant que le ministre anglais, assuré de l’appui de ses trois complices et tenant pour arrêtées les bases de leur concert, appelait la Turquie à donner un blanc-seing pour signer l’arrangement à quatre et allait avertir Méhémet-Ali que l’heure de capituler était venue, il adressait hypocritement au cabinet français, à titre de communication confidentielle et sous la forme d’une ébauche qu’il n’aurait pas même soumise à ses collègues, ce même plan que M. de Brunnow avait rapporté de Saint-Pétersbourg. Le maréchal Soult se laissa prendre à cette feinte confiance, et y répondit très sérieusement. Même en refusant son approbation aux arrangemens territoriaux indiqués dans le projet, il crut devoir louer l’idée de faire intervenir la Porte dans le traité, « conception très heureuse, dit la dépêche[1], et d’une grande portée. » En effet, ce fut à l’aide de cette conception que les signataires du traité de juillet purent donner

    sances pouvaient adhérer ; mais je n’ai pas encore été en état de mûrir ce plan suffisamment pour le soumettre aux délibérations du cabinet, et par conséquent je n’ai fait encore aucune proposition formelle aux plénipotentiaires des quatre puissances. »

  1. Le duc de Dalmatie au comte Sébastiani, 26 janvier 1840.