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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

ajoute que « ce n’était pas à la France à aller au-delà de cet avertissement, » j’avoue que je ne comprends pas bien ce qu’il pouvait y avoir de prudence et de dignité à ne pas faire les ouvertures que la dépêche du 9 décembre semblait annoncer.

Mais que dire de lord Palmerston, qui, ayant connaissance des intentions conciliantes du cabinet français, laisse passer près de deux mois sans y répondre, qui n’y répond, vers la fin de janvier 1840, que par la communication dérisoire d’une ébauche de traité, et qui emploie l’intervalle à discuter le chiffre des vaisseaux qu’il nous permet de tenir en mer ? Certes, si le ministre anglais avait eu le moindre désir de s’entendre avec la France, il eût saisi sur-le-champ l’occasion qu’on lui offrait de renouer les négociations. Le silence que lord Palmerston garda sur cette communication témoigne assez qu’elle contrariait ses projets.

Dès les premiers jours de janvier 1840, M. de Brunnow remit à lord Palmerston une seconde édition du plan déjà proposé par la Russie pour régler les différends du sultan avec Méhémet-Ali. Ce thème ne différait des premières ouvertures du cabinet russe que par la clause qui ouvrait aux escadres de l’Angleterre, de la France et de l’Autriche les Dardanelles, ainsi que la mer de Marmara. La Russie persistait à n’offrir d’autre avantage au pacha que l’investiture héréditaire de l’Égypte ; elle exigeait la restitution immédiate de la Syrie entière, d’Adana et de Candie.

L’assentiment de lord Palmerston était acquis par avance à ces propositions, dont il avait pris lui-même l’initiative au mois d’octobre 1839, et il se croyait tellement assuré de l’adhésion de la Prusse et de l’Autriche, qu’il écrivait à lord Ponsonby, le 25 janvier 1840 :

« Les négociations ont fait de tels progrès, que l’on peut espérer qu’elles se termineront par une convention entre les puissances qui aide le sultan à confiner Méhémet-Ali à l’Égypte. Les plénipotentiaires de l’Autriche et de la Russie ont reçu des pleins pouvoirs pour y apposer leur signature[1], et le

  1. Lord Palmerston tint un langage tout opposé à lord Granville dans une dépêche écrite six jours plus tard (31 janvier 1840) :

    « Pour répondre à votre dépêche du 24, dans laquelle vous me faites part de votre conversation avec le maréchal Soult, au sujet de la dépêche confidentielle que le maréchal a reçue du comte Sébastiani, et qui est relative aux négociations entamées à Londres sur les affaires de la Turquie et de l’Égypte, j’ai à dire à votre excellence que j’ai montré au comte Sébastiani confidentiellement, sur le papier, une esquisse du plan qui s’est présenté à ma pensée, comme celui auquel les cinq puis-