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sacrifiant ceux de la Porte. Après les dénégations appuyées d’argumens si convaincans qu’il a tant de fois opposées à ces imputations malveillantes, il devait peu s’attendre, peut-être, à les voir reproduites dans la dépêche de M. de Nesselrode. Ce n’est pas d’ailleurs sans une satisfaction réelle qu’il y trouve l’assurance que M. de Brunnow a la mission de travailler à faire cesser, sur le point délicat du règlement territorial de la question d’Orient, les dissentimens partiels de l’Angleterre et de la France, dissentimens qui ne sauraient être que temporaires entre deux cabinets unis par des liens si étroits. Les informations que j’avais recueillies au sujet des instructions données à cet envoyé m’avaient fait craindre au contraire que la Russie, en adhérant purement et simplement au plan le plus défavorable au vice-roi, ne tendît à rendre plus difficile un rapprochement entre les idées des cabinets de Londres et de Paris. Nous en avions été d’autant plus surpris, que le gouvernement impérial, en manifestant à plusieurs reprises son regret de ce qu’on n’avait pas laissé, au mois de juillet dernier, la Porte et le pacha s’arranger directement, avait autorisé à penser qu’il eût adhéré sans peine même à des conditions beaucoup plus avantageuses pour le pacha que celles que nous proposons aujourd’hui. Certes, un changement aussi complet dans sa manière de voir n’eût pas trouvé à beaucoup près une justification suffisante dans le simple fait de la médiation offerte le 27 juillet à la Porte, puisque cette offre n’impliquait en aucune façon, de la part des puissances, la promesse d’une intervention matérielle dirigée dans le but de faire obtenir au sultan des stipulations déterminées. » (Le maréchal Soult à M. de Barante, 24 janvier 1840.)

Si la dépêche du maréchal Soult à M. de Barante prouve qu’il avait pénétré les plans de la Russie, elle montre aussi à quel point il s’abusait sur les intentions de l’Angleterre. Le 9 décembre, au moment même où lord Palmerston nous suscitait de misérables tracasseries à propos de l’accroissement qu’avaient reçu nos forces navales, le maréchal le faisait complimenter par M. Sébastiani sur le retour probable et prochain de M. de Brunnow, et déclarait que, si l’admission de tous les pavillons dans la mer de Marmara était accordée sans réserve par la Russie, « le gouvernement français y trouverait un motif suffisant pour se livrer à un nouvel examen de l’ensemble de la question d’Orient, même dans les parties sur lesquelles chacune des puissances semblait avoir trop absolument arrêté son opinion pour qu’il fût possible de prolonger la discussion. »

Il faut reconnaître avec M. Passy que dès ce moment « le cabinet anglais ne put plus douter que la France accepterait moins qu’elle n’avait demandé pour le pacha d’Égypte. » Toutefois, quand M. Passy