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de l’Orient ; en un mot, tout ce qu’elle défendait aux autres de faire, elle le faisait, et, comme l’a dit Napoléon, sous l’écorce mielleuse du Grec, le Tartare s’était retrouvé.

La nouvelle de la mission de M. Brunnow et la dissolution de la conférence irritèrent d’abord l’amour-propre du gouvernement autrichien. Par représailles du rapprochement soudain et déjà très étroit qui s’opérait entre l’Angleterre et la Russie, il fit mine de se rapprocher de la France. Le maréchal Soult avait communiqué à M. de Metternich un plan d’arrangement entre le sultan et le pacha d’Égypte. Selon M. Passy, qui fixe la date de cette communication au 21 septembre 1839, ce plan consistait dans la cession héréditaire de l’Égypte et de la Syrie ; Méhémet-Ali aurait conservé en outre l’île de Candie. Selon lord Beauvale, qui rend compte à lord Palmerston de l’incident, dans une dépêche du 3 octobre, la Syrie devait être divisée en plusieurs pachaliks, que les plus jeunes enfans de Méhémet-Ali auraient possédée à sa mort, mais qui devaient rentrer ultérieurement sous l’autorité directe du sultan. L’Autriche n’éleva pas d’objection, et se contenta de demander la restitution de Candie à la Porte.

« L’Autriche, dit lord Beauvale, voudra d’abord savoir si la France est prête à contraindre Méhémet-Ali, dans le cas où il refuserait, d’accéder à ces conditions ; et si la réponse du gouvernement français est satisfaisante, le cabinet de Vienne déclarera de nouveau qu’il donnera son concours à l’arrangement qui exigera les moindres concessions de la Porte et qui aura obtenu l’agrément de la France et de l’Angleterre.

« Toutefois les instructions que l’on adressera au comte Appony et au prince Esterhazy seront favorables à la conclusion de l’arrangement que je viens d’exposer. L’Autriche pense qu’il importe de vider promptement le différend ; elle espère que, par cette combinaison, le sultan héritera en définitive de toutes les possessions de Méhémet-Ali, et que l’empire ottoman sera sauvé.

« J’ajoute que le comte Fiquelmont est d’avis que l’on donnerait de la force et de la vitalité à l’empire, si l’on pouvait rallier au sultan et appeler à sa défense l’intelligence du pacha ainsi que la ferveur musulmane qui existe encore en Égypte. »

Ces bons sentimens de l’Autriche ne furent pas de longue durée. Vers la fin d’octobre, le prince de Metternich se bornait à écrire à M. d’Appony qu’il attendrait que la France et l’Angleterre se fussent mises d’accord[1]. Vingt jours plus tard, il était retombé complète-

  1. Dépêche de lord Granville à lord Palmerston, Paris, 25 octobre 1839.