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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

comptait déjà sur l’adhésion de l’Autriche et de la Russie. Il se prononçait après l’Autriche pour le concert à quatre au lieu du concert à cinq. On va voir lord Palmerston produire, en faveur de cette résolution, les mêmes argumens qu’il a donnés plus tard pour excuser le traité du 15 juillet.

Lord Palmerston avait communiqué à M. Sébastiani, à qui ce ministre dit lui-même qu’il témoignait une confiance sans réserve, sa dernière dépêche à lord Beauvale.

« Le comte Sébastiani me fit observer que c’était là une décision d’une grande importance, qui impliquait une séparation entre la France et l’Angleterre et la dissolution du concert européen. Je lui dis qu’elle ne me paraissait pas entraîner ces conséquences extrêmes, que les cinq puissances pouvaient continuer à s’entendre sur leur politique générale et sur leurs vues extérieures, mais qu’elles pouvaient n’être pas également disposées à prendre une part active à chacune des mesures particulières et successives par lesquelles le résultat devait être obtenu ; que des exemples de cette conduite s’étaient déjà présentés dans d’autres occasions, et je citai les négociations relatives à la Belgique, dans lesquelles l’Angleterre et la France pensèrent en 1832 que des mesures devaient être prises pour obtenir l’évacuation d’Anvers, tandis que la Prusse, l’Autriche et la Russie n’approuvaient pas cette manière d’agir. L’Angleterre et la France firent ce qu’elles avaient jugé nécessaire, bien que l’Autriche, la Prusse et la Russie eussent refusé d’y concourir. Pourtant cette circonstance ne détruisit pas le concert, et n’empêcha pas les cinq puissances de reprendre les négociations et de les terminer heureusement. De même, dans les circonstances actuelles, l’Angleterre pouvait tomber d’accord avec la Russie, l’Autriche et la Prusse de la nécessité d’employer contre Méhémet-Ali des mesures coërcitives, auxquelles la France, pour des raisons qui lui étaient propres, pouvait ne pas vouloir s’associer ; mais le refus de la France ne devait pas empêcher les puissances de travailler à un résultat aussi important pour les intérêts généraux de l’Europe. J’ajoutai que l’Angleterre, tout en désirant vivement d’agir de concert avec la France, ne se croyait en aucune façon obligée de rester fidèle à ce concert, si la France refusait de faire un pas,

    adopter ces vues, et il traita les mesures proposées, les unes comme étant insuffisantes, les autres comme devant dépasser le but. Il dit que l’on pourrait rappeler les consuls-généraux, si les cinq puissances prenaient ce parti de concert, mais qu’il ne pensait pas que cet acte produisit le moindre effet. Il regarda le blocus comme inefficace, parce qu’il ne croyait pas que Méhémet-Ali eût beaucoup de vaisseaux marchands sous pavillon égyptien, et parce que, même les communications par mer étant interceptées, Ibrahim pourrait marcher en avant et trouver des ressources dans les contrées qu’il occuperait ; d’ailleurs on pourrait l’approvisionner par terre. Il ajouta que son gouvernement élèverait les plus sérieuses objections contre une tentative sur Candie. » (Lord Palmerston à M. Bulwer, 10 septembre 1839.)