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écrite, officielle, du gouvernement français, et c’est à la première que s’attache lord Palmerston ! Il veut voir l’opinion de la France dans ce qu’un agent anglais lui fait dire, et non dans ce qu’elle dit elle-même en termes exprès ! Il traite une communication formelle comme un papier sans valeur ! Il n’y a pas d’exemple d’une pareille conduite dans les annales de la diplomatie.

Savez-vous pourquoi le ministre de la Grande-Bretagne en agit ainsi ? C’est qu’il avait disposé de l’opinion de la France et qu’il l’avait engagée sans la consulter. Ne voulant pas rétracter son dire, il escamote l’opposition du gouvernement français. Il fait semblant de n’y pas croire, ayant besoin que l’on n’y croie pas. C’est une pure escobarderie.

La dépêche que l’on vient de lire est du 30 juillet. Le 1er août, lord Palmerston, adressant à lord Beauvale le plan détaillé des mesures coercitives qu’il entendait diriger contre Méhémet-Ali, continuait effrontément, et comme si rien ne s’était passé dans l’intervalle, à faire entrer la France dans le bagage de la coalition.

« Les cinq puissances paraissent être unanimes dans l’opinion que la Syrie, Candie et l’Arabie doivent rentrer immédiatement sous l’autorité directe du sultan, en considération de la concession que l’on ferait à Méhémet-Ali du gouvernement héréditaire de l’Égypte ; mais quelques-unes des puissances (la Russie notamment) paraissent douter que l’alliance ait les moyens d’amener Méhémet-Ali à souscrire à cet arrangement dans le cas où il s’y opposerait fortement.

« Si Méhémet-Ali résistait, la plus légère réflexion suffirait pour lui montrer les amples moyens de coërcition que les cinq puissances possèdent. La flotte de Méhémet-Ali, ses communications avec la Syrie, sa marine commerciale et sa capitale, sont à la merci des escadres combinées. On peut capturer sa flotte et la livrer au sultan ; toute communication par mer peut être coupée entre l’Égypte et la Syrie, et quoiqu’il lui soit physiquement possible, à prix de temps et d’argent, d’envoyer des munitions en Syrie par terre à travers le désert, il ne serait pas difficile aux alliés de couper aussi ces communications en occupant, sur sa ligne de marche, quelque position sur la frontière.

« Il y a des centaines de vaisseaux marchands qui naviguent sous le pavillon égyptien dans la Méditerranée. Ces vaisseaux sont presque tous chargés de marchandises qui appartiennent au pacha, car il monopolise la production et le commerce de l’Égypte. Tous ces bâtimens seraient ou bloqués dans le port d’Alexandrie, ou capturés par les alliés. Il n’y aurait point de difficulté à bloquer Alexandrie ni à prévenir l’entrée et la sortie même des bâtimens neutres ; car, quoique les cinq cours ne puissent pas déclarer la guerre à Méhémet Ali, qui n’est que le sujet d’un souverain, et quoiqu’elles ne puissent pas exercer