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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

viendra d’accorder au pacha ; ce consentement sera consigné dans des notes officielles. Cela fait, les puissances notifieront les conditions au pacha, en appuyant leurs injonctions par des mesures coërcitives qui soient suffisantes, en cas de refus, pour déterminer son assentiment. Cet assentiment obtenu, on placera l’arrangement sous la garantie des cinq puissances. Les bases de cette convention sont déjà à l’état d’esquisse, et peuvent être considérées comme ayant déjà reçu la sanction de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie. La France reste à convaincre. »

M. de Metternich, en homme prudent, ne s’explique pas à découvert sur la possibilité de traiter sans la France, et de substituer l’arrangement à quatre à l’arrangement à cinq. Mais l’insinuation est suffisamment transparente dans le passage suivant :

« Dans la question du désarmement, il est probable que la Porte insistera, et elle a le droit d’insister sur une réduction dans les forces navales de Méhémet-Ali ; cette réduction sera probablement la condition la plus désagréable à la France, qui a toujours considéré la puissance maritime de l’Égypte comme un renfort pour la sienne et comme un contrepoids à notre supériorité maritime dans la Méditerranée. Si donc ce côté de la question doit être traité à Vienne, il est nécessaire (c’est lord Beauvale qui parle) que j’aie des instructions sur la quotité de la réduction qu’il faut demander, et sur le mode, et que je sache si une partie quelconque de la flotte égyptienne doit être livrée au sultan.

« Ceci réglé, il faudra établir les relations entre la conférence à Vienne et les ambassadeurs à Constantinople.

« Quand on traitera avec l’Égypte, les puissances maritimes prendront la direction de la négociation.

« Le prince Metternich pense que l’ascendant moral des cinq puissances agissant de concert déterminera la soumission du pacha. Mais, en tout cas, je ne doute pas de l’efficacité d’un blocus pour amener l’évacuation de la Syrie. »

La dépêche de lord Beauvale comblait les vœux de lord Palmerston ; il se hâta d’accéder au plan du prince de Metternich, en exaltant bien haut l’habileté de cet homme d’état et la profondeur de ses vues. On venait d’apprendre à Londres la mort du sultan, la bataille de Nézib et la défection du capitan-pacha. Ces évènemens, qui étaient une révolution dans l’état de l’Orient, ne firent pas chanceler la détermination de l’Angleterre. Plus le pacha grandissait dans l’opinion des musulmans, et plus lord Palmerston jugeait nécessaire de l’abattre, pour enlever à la France, dans la Méditerranée, un allié puissant. Le ministre anglais écrivit donc, le 26 juillet, à lord Beauvale, que