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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

votre excellence est autorisée à signer, au nom de la Grande-Bretagne, toute pièce qui sera proposée pour en faire mention. »

Dans la pensée du ministère français, la garantie donnée à l’indépendance de l’empire ottoman devait mettre cet empire à l’abri du protectorat, et par conséquent de la domination exclusive de la Russie ; mais les puissances qui lui avaient inspiré cette déclaration l’entendaient bien autrement, et n’avaient voulu qu’engager la France dans une croisade contre Méhémet-Ali. Rien ne le prouve mieux que le projet de déclaration rédigé à Vienne par lord Beauvale, vers la fin de juillet, et qui est ainsi conçu :

« Les puissances, considérant l’intégrité de l’empire ottoman comme un élément nécessaire de l’équilibre européen, et voyant dans toute atteinte à cette intégrité un danger pour l’état de paix qu’elles sont déterminées à maintenir, regarderont tout pacha qui lèvera l’étendard de la révolte contre son souverain comme commettant un acte d’hostilité contre elles-mêmes.

« En conséquence de ce principe, et considérant les négociations entre la Porte et Méhémet-Ali comme ayant été imposées à la Porte par une nécessité indépendante de sa volonté, les puissances ont résolu de prendre les résultats de cette négociation (quels qu’ils soient) en même délibération, et de ne leur assigner aucune valeur, excepté en tant qu’ils pourront convenir aux objets que les puissances ont en vue, et qu’ils n’épargneront rien pour atteindre. »

Lord Beauvale, en donnant communication de cette pièce à lord Palmerston, a soin de lui dire que chaque mot a reçu l’approbation du prince de Metternich. On le croira sans peine. Mais pouvait-il en être de même à Paris ? Le commentaire s’était bien éloigné du texte. Le maréchal Soult avait prétendu faire de la garantie des cinq puissances une arme contre l’ennemi extérieur, et lord Beauvale la convertissait en une sorte d’excommunication fulminée contre tous les ennemis intérieurs de la Porte, notamment contre Méhémet-Ali ! Il déclarait que tout pacha qui aurait levé le drapeau de la révolte aurait affaire aux cinq puissances, et il contractait ainsi, au nom de l’Europe, l’obligation d’intervenir dans tous les différends du sultan avec ses sujets. Rien n’était moins possible ni plus imprudent. M. de Saint Aulaire vit le piége ; mais le gouvernement français ne devait pas l’éviter, et il y tomba par la note commune du 27 juillet.

Cette note fut l’œuvre de l’Autriche et de l’Angleterre. M. Thiers a expliqué les motifs qui décidèrent la Russie à s’y prêter ; elle avait refusé de négocier à Vienne, elle ne pouvait pas refuser d’agir à Constantinople. Mais par quel motif la France avait-elle autorisé son