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de soumettre ces questions à une conférence formelle ; nais il a demandé que Vienne fût le siége des négociations : le gouvernement de sa majesté pense que de puissans motifs militent pour la proposition de la France, et quelques argumens d’un grand poids contre cette proposition. Celle du prince Metternich soulève moins d’objections et promet moins d’avantages ; elle n’enchaînera pas l’action de la Grande-Bretagne autant qu’une conférence formelle l’aurait fait.

« Le gouvernement de sa majesté est disposé à souscrire aux vues du prince Metternich, pourvu qu’elles aient l’assentiment de la Russie et de la Prusse, aussi bien que celui de la Grande-Bretagne et de la France.

« Voici la pensée générale du gouvernement sur la question d’Orient :

« Les grandes puissances ont le droit d’intervenir dans ces difficultés qui sont, en fait, une lutte entre un souverain et son sujet, parce que cette lutte menace de faire naître de grands et immenses dangers pour leurs intérêts et pour la paix de l’Europe. Ces intérêts et cette paix exigent le maintien de l’empire ottoman, et le maintien de l’empire ottoman est par conséquent le but principal que l’on doive se proposer. Ce but ne peut être atteint qu’en

    établi pour les réunions des cabinets un règlement sage, fondé sur le respect qu’il est juste de porter à l’indépendance des états. Les cinq cours ont arrêté entre elles que jamais des questions touchant aux droits et à l’intérêt d’un état tiers ne seraient abordées par elles en conférence, sans que le gouvernement intéressé n’eût été invité à prendre part à la réunion. En appliquant cette utile règle au cas échéant, il faudrait faire intervenir un plénipotentiaire ottoman dans tel lieu que choisiraient les puissances pour y établir une conférence, et dans ce seul fait se trouverait un obstacle insurmontable pour la réussite de l’entreprise. Jamais la Porte ne munirait son envoyé de facultés suffisamment étendues pour que l’affaire pût marcher.

    « Mais il existe d’autres considérations encore qui seraient défavorables à la réunion d’une conférence pour traiter de l’affaire du jour. Nous pouvons admettre que plus d’une puissance ne serait que faiblement disposée au choix de cette forme, et le public européen y chercherait ce qui ne doit pas s’y trouver, et ce qui, d’après les sentimens indubitables des cinq cours, ne s’y trouve point en effet. De quoi s’agit-il réellement ? Il s’agit d’empêcher que la guerre n’éclate entre la Porte et l’Égypte, ou de mettre le terme le plus prompt à celle qui, contrairement aux vœux déjà hautement et uniformément prononcés de ces mêmes cours, aurait déjà commencé.

    « Ce n’est point par le moyen d’une conférence placée à distance qu’il serait possible d’atteindre l’un et l’autre de ces buts. C’est à Constantinople et à Alexandrie que la pensée déjà connue des cinq cours devra être soutenue sans perte de temps et avec vigueur. À cet effet, il n’est besoin que d’instructions fondées sur le principe pacifique, qu’on adresserait aux représentans de ces mêmes puissances, et qui leur donneraient la latitude suffisante pour pouvoir régler leur conduite d’après les circonstances et les évènemens. Ce n’est point également dans la forme d’une conférence que devraient s’établir entre eux des relations, tant à Constantinople qu’à Alexandrie ; c’est au contraire dans celle d’une libre entente. »