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Après lui avoir exposé les offres des États-Généraux et ses demandes pour lui et pour ses alliés, il ajoutait : « J’ai voulu vous faire savoir, sans perdre de temps, l’état de l’affaire pour que vous appreniez au roi d’Angleterre que, non-seulement je n’ai point voulu admettre une négociation de paix sans savoir son sentiment, mais même sans y faire la même mention de ses intérêts que des miens. Je ne doute pas qu’il n’en ait usé de la même manière à mon égard, puisque j’ai appris qu’en même temps que les États avaient envoyé vers moi, ils avaient fait passer une semblable députation en Angleterre[1]. »

Afin de prendre part aux négociations sérieuses entamées au camp de Louis XIV, Charles II résolut d’y envoyer lord Halifax, membre de son conseil privé, que devaient suivre bientôt le duc de Buckingham et le comte d’Arlington, ses deux principaux ministres. Malgré cette résolution, le duc de Buckingham engagea, avant de partir, une négociation détournée avec les députés hollandais, par l’entremise de leur secrétaire nommé Kingscot. Il aurait voulu conclure une paix séparée, mais les députés n’avaient pas les pouvoirs nécessaires pour accorder les conditions qu’il exigeait d’eux. Charles II désavoua cette négociation, assurant à M. Colbert qu’il en avait fait honte au duc de Buckingham. Il ne songea « qu’à continuer la guerre en amusant, dit M. Colbert, le public d’une espérance de paix pour empêcher qu’il ne se formât de ligue en faveur des Hollandais[2]. »

Devancés par lord Halifax, qui se rendit directement au camp de Louis XIV, le duc de Buckingham et le comte d’Arlington s’embarquèrent, au commencement de juillet, pour aller négocier sur le continent. Ils avaient les pleins pouvoirs de Charles II, qui leur donna l’ordre d’agir d’un parfait accord avec les commissaires du roi de France. Les plénipotentiaires britanniques voulurent passer par la Hollande, afin de proposer des avantages particuliers au prince d’Orange et le décider à un prompt accommodement. Ils arrivèrent à La Haye le 5 juillet, au moment où les villes et les États lui décernaient le titre de stathouder. Le peuple, de plus en plus rassuré sur les dispositions du roi d’Angleterre par cette élévation de son neveu, accueillit ses ambassadeurs comme des envoyés de paix et des protec-

  1. Lettre de Louis XIV à M. Colbert de Croissy, du camp de Doësbourg, le 23 juin 1672. (Corresp. d’Angl., vol. CIII.)
  2. Dépêche de M. Colbert de Croissy au marquis de Pomponne, du 27 juin 1672. (Ibid.)