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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

peuple et les principaux de cette cour, qui ne cessent de blâmer le roi, le duc d’York et les principaux ministres, et de crier qu’il est de l’intérêt de l’Angleterre de s’opposer plutôt que de concourir à la grandeur de votre majesté[1]. »

Le peuple, la cour, et, parmi les ministres même, le duc de Buckingham, naguère si zélé pour l’alliance française, montraient les appréhensions les plus grandes des progrès de Louis XIV. Charles II, dont la volonté était cependant si mobile, conservait seul toute la fermeté de ses précédentes résolutions. Loin de s’alarmer des conquêtes de Louis XIV, il en montrait de la joie[2], et il disait à M. Colbert de Croissy « que, malgré les intrigues de sa cour et l’animosité de son peuple contre l’union qu’il avait faite avec le roi très-chrétien, lui et son frère étaient inébranlables, et qu’ils se mettraient en état de maintenir cette union envers et contre tous[3]. »

Ce fut au milieu de cette agitation des esprits que les députés hollandais débarquèrent en Angleterre. M. Boreel, l’ancien ambassadeur des Provinces-Unies, qui n’était pas encore parti de Londres, avait vainement demandé pour eux des passeports à Charles II. Ce prince lui avait répondu qu’il ne voulait rien entendre que de concert avec Louis XIV. En apprenant l’arrivée de MM. d’Halewyn et de Dyckweld sur les côtes de la Grande-Bretagne, il les avait menacés de les faire enfermer à la Tour pour être venus dans son royaume sans avoir obtenu des passeports. Ils avaient noblement répondu qu’ils étaient prêts à s’y rendre pourvu qu’ils y trouvassent des commissaires chargés de négocier la paix avec eux. Charles II craignant, s’ils approchaient de Londres, que le peuple ne se livrât à de dangereuses démonstrations, les fit conduire au château de Hamptoncourt, où, gardés étroitement, ils ne purent communiquer avec personne[4].

Pendant qu’il agissait avec cette sincérité et cette vigueur, Louis XIV, qui ne voulait lui donner aucun sujet de défiance et aucun prétexte d’abandon, l’avait fait prévenir avec la plus grande diligence de toutes les démarches et de toutes les propositions des États-Généraux. Ne se bornant point à les communiquer à l’ambassadeur anglais, Godolphin, qui le suivit pendant toute cette campagne, il les avait transmises à M. Colbert de Croissy pour qu’il en instruisît directement Charles II.

  1. Dépêche de M. Colbert de Croissy à Louis XIV, du 20 juin 1672.
  2. Ibid., du 16 juin 1672.
  3. Ibid.
  4. Lettre des députés hollandais au greffier Gaspard Fagel, datée de Hamptoncourt, le 20 juillet 1672, dans Basnage, Annales, etc., t. II, p. 452-453.