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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

de la république. Chez ces hommes honnêtes et religieux, les scrupules de la conscience balançaient le sentiment de la crainte et la puissance de la nécessité. Enfin le député de Rotterdam demanda la permission de reprendre son serment avant d’entretenir l’assemblée d’une chose que chacun comprenait, et qu’il ne pouvait nommer sans parjure. Plusieurs députés réclamèrent une explication plus claire. Mais aucun d’eux ne se souciait de la donner, lorsque le député de Leyde s’écria hardiment qu’il s’agissait, comme tout le monde le voyait bien, de révoquer l’édit perpétuel. L’aveu une fois fait, la délibération marcha rapidement. Les députés s’accordèrent une dispense mutuelle du serment qu’ils avaient prêté cinq années auparavant, et, le lendemain, l’édit perpétuel du 5 août 1667, qui abolissait le stathoudérat, fut aboli lui-même[1].

Quatre jours après, toutes les villes ayant été consultées et s’étant prononcées légitimement, les États de Hollande et de West-Frise proclamèrent à quatre heures du matin : Guillaume-Henri d’Orange, stathouder, capitaine-général et amiral de leur province[2]. La province de Zélande imita cet exemple, et, le 8 juillet, les États-Généraux ayant confirmé cette haute dignité au prince d’Orange, il vint le 10 à La Haye prêter serment comme stathouder[3]. En le nommant, la république sacrifia en partie la liberté de ses institutions à l’indépendance de son territoire, et chercha son salut, ainsi que le font tous les peuples libres lors des grandes crises, dans l’unité de commandement et la dictature militaire.

L’élévation du prince d’Orange excita un grand enthousiasme dans les provinces qui n’étaient pas encore envahies. On se persuada, sous l’empire des vieux et des patriotiques souvenirs, que le descendant de Guillaume et de Maurice d’Orange, qui avaient fondé et défendu la république contre les armes espagnoles, saurait la délivrer de l’invasion française. On crut que l’électeur de Brandebourg, son parent, qui s’était engagé, par le traité de Cologne sur la Sprée, conclu le 26 avril 1672, à secourir les Provinces-Unies avec une armée de vingt mille hommes, n’hésiterait plus à faire marcher ses troupes. On s’attendit à ce que l’empereur Léopold, pressé par la reine d’Espagne et par l’électeur de Brandebourg, de ne pas laisser succomber une république dont la ruine entraînerait la perte des Pays-Bas et

  1. Samson, Histoire de Guillaume III, t. II, p. 275-276. — Basnage, Annales, t. II, p. 288. — Cerisier, Histoire générale, etc., t. VII, p. 341-345.
  2. Manuscrit no XXVI, p. 25-26 du liv. XXI de l’Histoire inédite de Wicquefort.
  3. Ibid., p. 27-31 ; et Basnage, Annales, etc., t. II, p. 289.